Mort du pianiste Jörg Demus

par Loïc Chahine · publié jeudi 18 avril 2019

Le pianiste Autrichien Jörg Demus est mort dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 avril 2019, à l’âge de 90 ans. Il était né à Sankt Pölten le 2 décembre 1928 dans un foyer où ses talents ont grandi : sa mère était violoniste et son père une historien de l’art reconnu. Demus a onze ans lorsqu’il s’installe à Vienne pour étudier à l’Akademie ; à quinze ans il fait ses débuts dans la salle Brahms du Musikverein de Vienne. Sa carrière décolle après la Seconde Guerre Mondiale, et il remporte le concours Busoni en 1956.

Comme l’écrit Wilhelm Sinkowicz, Demus était « fermement ancré dans l’interprétation viennoise, dans toutes ses facettes », dont il « a su utiliser le charme » pour donner vie à des répertoires divers, de Bach à Debussy, en passant par Schumann qui lui réussissait particulièrement : « outre toute son exubérance romantique, il a aussi révélé la légèreté ludique qui sommeille entre les lignes et que peu de ses collègues ont su restituer ». Il grava d’ailleurs l’intégralité des œuvres pour piano de Schumann, intégrale précédée par la gravure de plusieurs œuvres sur les pianos anciens que, comme son ami Paul Badura-Skoda, il collectionnait. Ainsi, la série « Musik auf historischen Instrumente » (« Landschaftige Kulturpflege in Westfalen-Lippe ») a publié plusieurs enregistrements de Beethoven, Schubert (dont par deux fois la Sonate D. 960, sur deux instruments différents) et Schumann sur des pianos de Graf, Brodmann ou Érard. Il y eut aussi, bien sûr, Mozart, et, plus étonnant, Debussy.

Jörg Demus fut aussi un partenaire apprécié pour le Lied, enregistrant plusieurs disques avec Dietrich Fischer-Dieskau pour Deutsche Grammophon autour de 1960, dont les Goethe-Lieder de Schubert (disque fameux), mais aussi l’Italienisches Liederbuch de Hugo Wolf, où ils étaient rejoints par Imgard Seefried et Erik Werba. Signalons aussi son disque de Lieder de Schubert et Schumann où il accompagne la soprano Elly Ameling (DHM, 1990, enr. en 1965-67), ou bien cet étonnant Carl Philipp Emanuel Bach où il joue du piano à tangentes aux côtés de Fischer-Dieskau. On peut aussi l’entendre à quatre mains ou à deux pianos avec Paul Badura-Skoda, en particulier chez Mozart et Schubert.

Partout, le pianiste savait déployer un jeu franc sans abandonner le raffinement : ainsi des deux premières pièces des Phantasiestücke op. 12, où il magnifiait le contraste entre les miroitements de « Des Abends » et la force quasi désordonnée (et assurément inquiétante) d’ « Aufschwung ». Il me semble que chez lui, l’usage des pianos anciens n’était jamais une fin en soi, mais plutôt le support une expérience, d’une recherche de sonorités mises au service d’un discours. «Dienst am Werk» — au service de l’œuvre.

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