par Maëlle Levacher · publié mercredi 13 juillet 2016
L’Esprit des ronces est un recueil de huit nouvelles, dont cinq furent publiées précédemment dans diverses revues. Comme le laisse présager cet aspect de leur histoire, ces textes sont variés en termes de genres, de registres et de tons. Ils forment donc un recueil hétéroclite. N’en déplaise à certains éditeurs, je n’ai pas l’impression qu’un auteur me manque de respect, se moque de moi, quand il expose à mes yeux de lectrice la variété de ses talents. Le recueil est homogène en termes d’habileté, de plaisir à jouer avec l’implicite, de maîtrise du rythme et de justesse, et l’on apprécie la souplesse avec laquelle la plume traite chaque sujet de la manière particulière qui lui convient. La cohérence de l’ensemble est aussi dans une préoccupation presque permanente de traduire l’univers mental du personnage central, et au-delà, dans un intérêt marqué pour les états psychiques. Ainsi, le narrateur de « L’offrande » ressuscite sa conscience infantile pour relater l’éveil, sous la forme d’une révélation comique, de son intuition de ce qui se joue tacitement entre les personnes. Le sans-abri de « L’esprit des ronces » s’approprie un espace qui évoque, sans occulter la misère, l’univers merveilleux du conte, s’affaire à aménager cet abri matériel et affectif tout en demeurant à l’écoute de ce qui se passe en lui – espaces gigognes d’un esprit troublé dans un corps troublé dans un espace troublant. « Artifice » met en miroir asymétrique l’amoureux instable de la femme et le veuf inconsolable d’une femme, l’artifice de la dissimulation chez l’un et l’artifice ritualisé de la fusion perdue chez l’autre. Les naturalistes idiots et la reine retombée en enfance de « Revenant » animent un conte fantaisiste et d’un humour cynique. « Sexe et autobus » met un jeune homme aux prises avec une réflexion identitaire, nourrie autant que brouillée par ce que ses proches lui renvoient de lui-même, et sur le chemin d’une réparation de son estime de lui-même dégradée. « Corollaires » aurait pu être titrée « Collatérales » pour évoquer les victimes directes et indirectes du dysfonctionnement de l’accompagnement médical des personnes psychotiques. Avec le surréalisme onirique des « Voyages du professeur Otto », l’auteur n’illustre plus les états de conscience de ses personnages – figures ici quasi dépourvues de conscience, d’individualité – mais influence ceux du lecteur, par le truchement d’une présence mythique qui suscite en lui d’intenses sensations. Enfin, « Le trésor du fond des poches » enchante un quotidien trivial en le passant au prisme de la légende, et comme l’histoire s’ancre à Nantes, ma ville, je quitte L’Esprit des ronces en mer de connaissance.
INFORMATIONS
Nuit Myrtide, 2004.
Jean-Luc André d’Asciano est aussi le fondateur des éditions L’Œil d’or.
D’AUTRES ARTICLES
Jakub.
On dit toujours force mal des réseaux sociaux, mais sans…