Hommage à Françoise Denieau, chorégraphe

par Loïc Chahine · publié samedi 18 juillet 2015

On apprend ce matin le décès de la chorégraphe Françoise Denieau. Si son nom est peut-être peu connu des amateurs de musique — souvent, je l’ai remarqué, on retient le metteur en scène, le directeur musical, et le chorégraphe passe à la trappe, o turpe et miserabile ! —, il est fort probable que ceux qui s’intéressent à l’opéra baroque ont rencontré son travail, par exemple dans l’Amadis de Lully que dirigeait Olivier Schneebeli à Avignon et à Massy, dans Le Triomphe de l’amour du même Lully dirigé par Hugo Reyne — on entend parfois les bruits des pas dans le CD —, plus récemment dans le Tancrède de Campra, encore aux côtés d’Olivier Schneebeli — ici aussi, on entend les pas dans le CD. Heureusement, quelques productions dans lesquelles elle a posé son empreinte ont été immortalisées en vidéo et nous permettent de mettre des images sur ces bruits d’appuis : le Sant’ Alessio de Landi (dir. William Christie, mise en scène Benjamin Lazar), Venus and Adonis de John Blow (dir. Bertrand Cuiller, mise en scène Louise Moaty), et plus récemment Rameau, maître à danser, spectacle composé de deux actes de ballets, dirigé par William Christie, mis en scène par Sophie Daneman.

Françoise Denieau, a commencé par être élève à l’École de danse de l’Opéra de Paris, pour être engagée ensuite au sein du Corps de ballet, mais elle quitte l’illustre maison pour s’orienter vers la danse contemporaine, et rejoint Jacques Garnier et Brigitte Lefèvre pour le Théâtre du Silence — le fait que Brigitte Lefèvre, qui avait elle-même quitté l’Opéra, s’y soit ensuite retrouvée directrice de la danse, ne manque pas de sel. Françoise Denieau a lors l’occasion de côtoyer les chorégraphies de Maurice Béjart ou de Merce Cunningham. Un peu plus tard, elle rencontre Francine Lancelot, elle aussi passionnée de danse contemporaine, et rejoint la compagnie Ris et Danceries. Si Francine Lancelot avait créé Bach Suite pour et avec Rudolf Noureev, c’est à Françoise Deniau qu’elle confiera en 2003 Bach Suite II, en collaboration avec Kader Belarbi, et qui sera créé à l’Opéra de Paris, puis repris ailleurs — il y aura ensuite une Bach Suite III (2014). Il ne fait aucun doute que ces pièces qui mêlent langage chorégraphique dit baroque et contemporain auront fait découvrir quelques éléments de la “Belle Dance” à un public qui, a priori, n’était pas forcément destiné à la rencontrer.

De manière générale, par sa présence constante aux côtés de grands interprètes de la musique ancienne, comme, outre les chefs cités plus haut, le violoncelliste Christophe Coin, compagnon des Bach Suites, ou le claveciniste Olivier Baumont, Françoise Deniau aura fait découvrir un peu de ce que l’on appelle aujourd’hui “danse baroque” à beaucoup de mélomanes. On ne peut que se réjouir de la captation, récemment, de plusieurs spectacles, tant la vidéographie de la “Belle Dance” est pauvre — et l’on se réjouira d’autant plus de ces captations, et en particulier du Rameau, maître à danser, qu’ils prennent aujourd’hui l’allure d’un héritage.

Ceux qui ont eu l’occasion de travailler avec Françoise Deniau ont rappelé son exigence et sa bonne humeur, son engouement pour la transmission, sa gentillesse et sa passion pour « la Danse avec un grand D ».

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