par Loïc Chahine · publié samedi 30 avril 2016
Comme les correspondances, les œuvres des mémorialistes sont une source inestimable et souvent inépuisable d’informations, et c’est sans doute ce qui a fait le succès de Saint-Simon : ses Mémoires nous documentent autant qu’ils nous plaisent par leur écriture. Ils ont su allier la précision et la somme au talent littéraire, et c’est sans doute ce qui a attiré le claveciniste Olivier Baumont vers eux.
Que nous dit Saint-Simon de la musique ? Devant la masse que constituent les Mémoires (huit volumes en Pléiade, par exemple), il fallait de la patience et de la persévérance pour aller à la pêche à chaque petit élément, et c’est ce qu’a fait pour nous Olivier Baumont. Résultat de ce travail impressionnant, « À l’Opéra, Monsieur ! » regroupe et organise les allusions du mémorialiste à la musique et, dans une moindre mesure, à la danse. Le résultat est souvent intéressant, volontiers piquant, parfois passionnant.
Olivier Baumont a divisé son ouvrage en quatre chapitres. Les deux premiers sont consacrés au règne de Louis XIV et à la Régence, et n’échappent pas toujours à un certain aspect catalogue, un peu fastidieux par moments ; ils n’en constituent pas moins une somme d’informations de premier plan sur l’omniprésence de la musique dans la vie de la cour, que ce soit pendant les soirées d’« appartement » de Louis XIV (c’est-à-dire les soirées festives), les bals, bien entendu, ou encore la messe, souvent évoquée par le mémorialiste. La citation placée en titre renvoie à un épisode de la Régence : Philippe d’Orléans propose à Saint-Simon d’aller discuter affaires à l’Opéra ; Saint-Simon pousse les hauts cris, « À l’Opéra, monsieur ! » tant l’idée lui paraît déplacée, tant un tel lieu est fait « pour voir et être vu », mais pas pour parler d’affaires car « il était impossible de n’être pas détournés par le spectacle et par la musique » (p. 124) : belle déclaration, relève Olivier Baumont, si ce n’est d’amour, du moins de respect, ou peut-être de fascination, pour l’art lyrique et spectaculaire…
Les chapitres suivants sont sans doute les plus gratifiants pour le lecteur. Le chapitre III évoque ainsi quelques portraits musicaux, et se fait de cette manière l’écho des pièces musicales dédiées ou évoquant de hauts personnages, comme le maréchal-duc de Villars : « c’était un répertoire de romans, de comédies et d’opéras dont il citait à tout propos des bribes, même aux conférences les plus sérieuses » (p. 220) ; c’est sans doute à son épouse que devait s’adresser l’allemande « La marechalle de Villars » de Hotteterre. Le dernier chapitre, enfin, montre que le vocabulaire musical est très présent dans le style même de Saint-Simon et témoigne à ce titre de l’importance de cet art dans la manière même de penser d’un aristocrate du Grand Siècle.
On appréciera la présence en fin d’ouvrage d’annexes, comme les arbres généalogiques, mais aussi et surtout l’index qui permettra de retrouver aisément ce qui concerne tel ou tel personnage. Cet aperçu ne serait pas complet sans citer la belle introduction de l’ouvrage, intitulée « prélude », où éclate le style raffiné d’Olivier Baumont lui-même qui n’a pas vraiment à rougir à côtoyer Saint-Simon.
Voilà donc un ouvrage qui, assurément, vient combler un manque dans les bibliothèques des amateurs de musique.
INFORMATIONS
Gallimard, 2015.
Consulter la fiche de l’ouvrage sur le site de l’éditeur.
D’AUTRES ARTICLES
Jakub.
On dit toujours force mal des réseaux sociaux, mais sans…