Un manque comblé

par Loïc Chahine · publié mercredi 17 avril 2013

Kaija Saariaho (née en Finlande, en 1952, installée à Paris) est parmi les voix de la musique contemporaine l’une de celle qui séduit le plus, en particulier grâce au caractère très sensible, dépassant de loin les pures expérimentations sonores, de sa musique. Cependant, qui cherche un peu de documentation à propos de ses œuvres risque de voir son attente déçue, et de ne trouver en français qu’un numéro des Cahiers de l’IRCAM qui lui a été consacré… en 1994 ! Bien du chemin a été parcouru depuis : la plupart des œuvres connues ont été composées après cette publication, de même que ses opéras L’Amour de loin, Adriana Mater, Émilie, et son oratorio La Passion de Simone qui vient de paraître en disque. L’onzième numéro de Tempus Perfectum, revue de musique publiée par Symétrie, consacré à la Finlandaise vient donc combler un manque important dans la bibliographie, et il le fait d’une manière qui mérite d’être saluée.

Tout d’abord, la réalisation est extrêmement soignée, alliant une lisiblité parfaite à un certaine élégance. J’ai trouvé, par exemple, que la marge à gauche, qui rappelle les cahiers, était une excellente idée, qui donne l’impression d’un texte aéré. J’ai particulièrement apprécié aussi la présence d’illustrations montrant des extraits de partitions qui permettent de se rendre compte — pour ceux qui en ont l’habitude — que Saariaho adopte une notation tout à fait intelligible. C’est une revue, certes, mais qui a tout l’allure, ou presque, d’un livre.

Confié à la direction de Clément Mao-Takacs, il donne la parole — outre à la compositrice elle-même, qui livre en début de volume une longue interview — à plusieurs spécialistes et interprètes de Saariaho parmi lesquels on remarque en particulier les noms d’Anssi Karttunen, de Camilla Hoitenga et d’Esa-Pekka Salonen, musiciens avec qui Saariaho a travaillé et travaille encore, ou d’Alexis Descharmes qui a enregistré pour Æon L’œuvre pour violoncelle (et autres instruments, 2006). Chacun y parle, dans la forme d’un article, d’une note plus brève, ou d’une interview, d’un aspect de l’œuvre de la compositrice qu’il connaît bien pour l’avoir pratiqué. Ainsi, Camilla Hoitenga propose un parcours détaillé dans les œuvres pour flûte, constituée d’une introduction générale et une brève analyse de chacune des pièces, qui permettra aux auditeurs comme aux musiciens d’appréhender de manière plus concrète cette musique.

Plus brièvement, Anssi Karttunen, interrogé par Clément Mao-Takacs, parle de la façon dont la musique est composée réellement pour le violoncelle, et non contre lui  il évoque également sa pratique des pièces de Saariaho, de leur enseignement, et livre enfin quelques données plus personnelles sur la compositrice.

Par ailleurs, trois articles se concentrent sur les pièces lyriques de Saariaho, dont celui du directeur de la publication lui-même, sur L’Amour de loin, qui examine l’opéra aussi bien du point de vue musical que textuel. Aleksi Barrière analyse sans longueur les rapports entre Saariaho et Peter Sellars. Quant au texte d’Osmo Pekonen sur La Passion de Simone, il présente brièvement cet oratorio, mais un peu trop brièvement !

Sans détailler plus avant le contenu de ce numéro, il faut saluer la qualité de tous les textes, dont aucun ne paraît ni rébarbatif et encore moins inintéressant. Aucun des auteurs ne s’est étendu trop longuement — bien au contraire ! —, et tous livrent des données et des points de vue enrichissants sur les pièces ou les aspects de l’œuvre de Saariaho qu’ils analysent. De plus, les articles m’ont tous paru très accessibles, évitant d’entrer dans trop de détails techniques incompréhensible. À cet égard, ce numéro de Tempus Perfectum constitue aussi bien une excellente introduction à l’univers de Saariaho qu’un prolongement passionant à l’écoute de ses œuvres.

INFORMATIONS

Clément Mao-Takacs (dir.), Tempus Perfectum, no 11, Kaija Saariaho : l’ombre du songe

Symétrie, 2013.

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