par Loïc Chahine · publié vendredi 31 mars 2017
Et si les Romains avaient écrit des ouvrages de développement personnel ? Peut-être que cela aurait ressemblé à Libérez le Romain qui est en vous de « Marcus Sidonius Falx avec Jerry Toner » — c’est-à-dire, on l’aura compris, de Jerry Tonner inventant un personnage. L’auteur, Fellow et directeur d’études à Cambridge, spécialiste de l’histoire romaine, se plaît à imaginer les conseils que donneraient un Romain de l’aristocratie à un « barbare » (un non-Romain) qui souhaiterait parvenir ; de là se développe une double rhétorique : d’une part, celle du Romain, qui estime que Rome est ce qu’il y a eu de mieux, de plus grand, de plus puissant dans l’histoire de l’humanité, d’autre part, celle du développement personnel qui postule que réussir est à la portée de tous.
L’ouvrage aborde l’essentiel des thématiques de la vie quotidienne à Rome dans l’Antiquité : choisir une épouse, élever ses enfants, s’amuser aux jeux, honorer les dieux, interpréter leurs présages, fréquenter les thermes, recevoir dans sa villa, et surtout réussir sa vie en parvenant à la gloire et en servant l’État, que ce soit dans l’administration ou l’armée. Chacun des neuf chapitre aborde l’un des aspects de l’existence, des plus triviaux (« Sort pour vous rendre capable de copuler longtemps », p. 104) aux plus philosophiques (le dernier chapitre s’inspire d’écrits philosophiques pour faire face à la mort).
Le propos de Falx s’agrémente d’exemples plus ou moins célèbres qui font découvrir (ou redécouvrir) des anecdotes de l’histoire romaine et illustrent bien la mentalité et les attentes d’un Romain.
Les sources convoquées, détaillées à chaque fin de chapitre, références précises à l’appui, sont variées : inscriptions, ouvrages des historiens comme Tite-Live ou Tacite, mais aussi œuvres poétiques, celles d’Ovide et de Martial par exemple ; le latiniste averti reconnaîtra bien certains passages empruntés à tel ou tel auteur, de sorte qu’on peut dire qu’en plus d’être un ouvrage de vulgarisation sur la civilisation de l’antique Rome, Libérez le Romain qui est en vous est aussi, çà et là, un aperçu de quelques textes littéraires.
Toutefois, il convient de remarquer que l’égrenage des conseils n’offre pas une grande variété stylistique ; il faut se concentrer davantage sur le fond que sur la forme, ce que permet au demeurant la traduction de Laurent Bury qui, a aucun moment, n’arrête le lecteur par une maladresse ou une formulation incongrue. Le personnage de Falx a néanmoins un peu de consistance. Il est d’abord fier, voire carrément arrogant, ce qui peut prêter (volontairement) à rire ; mais il est aussi attendrissant quand il évoque la mort de son fils, et gagne ainsi en épaisseur psychologique et en sympathie.
Libérez le Romain qui est en vous, grâce à son mélange de détente et de sérieux (affiché, on l’a dit) est un excellent « guide de civilisation romaine » qui complètera bien des ouvrages plus strictement historiques. Il constituera également une bonne invitation à aller à la rencontre de ces ouvrages, mais aussi, on l’espère, de la riche littérature latine.
INFORMATIONS
PUF, 2017.
Traduction de Laurent Burry.
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