par Laurianne Corneille · publié mercredi 28 novembre 2018
Des musiciens de l’Ensemble Appassionato dirigé par Mathieu Herzog, récemment salué pour son enregistrement des trois dernières symphonies de Mozart, s’emparent de la Gran Partita K. 361 du même compositeur pour en faire un véritable concert-théâtre en coproduction avec le Centre de Musique de Chambre de Paris (dir. Jerôme Pernoo).
On y entre de plain-pied par un dialogue qui sert de contrepoint à cette œuvre : celui de Mozart et son ami le clarinettiste Anton Stadler (incarnés respectivement par Léo Doumène et François Tissot qui tient également une des deux parties de clarinettes), attablés dans une brasserie viennoise et s’apprêtant à disputer une partie d’échecs.
Puis une mise au point est faite sur l’échiquier, alors que le Jeu au sens large se met en place. Une mise en abyme savoureuse se dessine par ramifications et intrications : ainsi, à chaque « coup », un mouvement de la sérénade est « composé » dans une spontanéité scénique rendant parfaitement compte de l’immédiateté du génie de Mozart ; le dialogue reposant sur des lettres issues de sa correspondance donne une grande fraîcheur de ton, alternant grâce et trivialité. Ces lettres rendent par ailleurs compte de son goût pour le jeu (cartes, quilles, etc.) et renseignent sur sa manière de voir le monde et de composer.
Tandis que le portrait se dessine, on pense aux mots d’Harnoncourt issus de La parole musicale : « Quel choc ce dut être pour les Mozart quand le père reconnut le génie de son jeune enfant. On croit avoir un petit enfant délicieux et intelligent, et on se rend compte que c’est un crocodile. Un génie comme Mozart ne « devient » pas : il surgit, paf comme une météorite dans l’espace. Ce n’était pas un enfant, mais un adulte qui jouait. »
Pendant ce temps, les sept mouvements s’intercalent et se déroulent avec 13 musiciens magnifiques, dont la prouesse est à saluer : jouant par cœur et se déplaçant sur scène de manière judicieuse et intelligente par une mise en espace sans cesse changeante, toute en fluidité, mais aussi créant de petits groupes (2, 3, 4) qui donnent du relief (merveilleux moments de complicité) et dessinent une crête invitant à « être à la musique » autrement.
Le binôme de comédiens Mozart/Stadler prend un plaisir non dissimulé, contagieux et amène donc l’auditeur à être en accord physique et chimique avec la musique.
Véritable succès de collaboration artistique entre Jérôme Pernoo et Mathieu Herzog, cette coproduction montre qu’il n’est nul besoin de sacrifier la qualité de l’œuvre et de l’interprétation pour toucher un large public. Pari réussi : cette Grande Partie est une brèche de lumière, une invitation à penser la musique sur différents niveaux de lecture.
« Ici et là », écrivait Mozart, « les connaisseurs y trouveront satisfaction, mais de telle sorte que les non-connaisseurs puissent être contents sans savoir pourquoi. » Nous y sommes.
INFORMATIONS
La Grande Partie
Soirée du samedi 24 novembre 2018.
Le spectacle se joue jusqu’au 8 décembre 2018 au Centre de musique de chambre de Paris. Plus d’informations.
D’AUTRES ARTICLES
Jakub.
On dit toujours force mal des réseaux sociaux, mais sans…