par Loïc Chahine · publié dimanche 4 novembre 2018
Handel in Context — tel pourrait être le titre de ce concert où les Muffatti sont rejoints par deux contre-ténors. Il s’agissait, dans ce programme élaboré en grande partie par Pedro Octavio Díaz, d’évoquer le Caro Sassone, mais aussi ses collègues, ses amis, ses rivaux… Ainsi, on a pu entendre un duo de Nicola Francesco Haym, plus connu comme librettiste de plusieurs opéras londoniens de Händel ; ou bien un autre duo de la Camilla de Bononcini, dont le relatif succès précéda l’arrivée de Händel en Angleterre. Au rang des maîtres, signalons Reinhard Keiser, qui dirigeait l’Opéra de Hambourg où Händel donna ses premiers opéras ; l’ouverture du Lächerliche Prinz Jodelet est vive, enlevée, pétulante, quasi programmatique, dans un style très hambourgeois — Telemann n’est pas loin, qui fut l’ami de Händel et qui demeure le grand absent de ce programme.
Valer Sabadus et Xavier Sabata se partagent la vedette. Les deux contre-ténors sont toutefois bien différents ; le premier possède un registre sensiblement plus aigu que le second ; il affiche d’emblée une grande maîtrise du son, de la note qui, pour un temps, éclipse Xavier Sabata — le premier duo s’avère ainsi assez déséquilibré, le registre grave de ce dernier étant assez peu audible. Mais Sabata s’installe progressivement, et la voix gagne ainsi en profondeur au fur et à mesure des airs. Il réussit ainsi brillamment « Se parla nel mio cor » de Giustino, où triomphent engagement et précision.
L’autre grand protagoniste de la soirée, c’est évidemment l’orchestre. Avec les Muffatti, les pièces instrumentales ne sont plus des moments d’attente du prochain numéro chanté mais révèlent au contraire toute une palette d’expressions, de la mélancolie légère qui se mue en drame dans la première moitié de la Sinfonia de Tassilone de Steffani à la verve de l’Ouverture de Sammartini, en passant par la tendresse des textures dans l’air d’Andronico de Tamerlano. Le tout semble installé dans une espèce de pureté d’intentions, et l’on peut sans doute parler d’élégance — on eût dit, au xviiie siècle, de galanterie, cette qualité de n’en faire ni trop ni pas assez, de s’adresser avec amabilité à ses interlocuteurs, dans une forme d’intelligenti pauca qui suppose que celui qui écoute n’est pas idiot.
Pour conclure cette galante soirée, les deux contre-ténors se sont échangé constamment, à grand renfort de jeu scénique, la partie vocale de l’air « Venti, turbini, prestate » de Rinaldo — manière de jeu entre eux aussi bien qu’avec le public.
INFORMATIONS
London Calling, programme donné à Bruxelles le 20 octobre 2018.
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