par Loïc Chahine · publié jeudi 31 aout 2017
C’était l’une des soirées les plus attendues de cette 39e édition du Festival de Sablé, car la naissance d’un ensemble est toujours un petit évènement. C’est donc avec le sentiment de prendre part à un moment important pour la vie musicale à venir que nous avons assisté au premier concert de La Diane Française dirigé par Stéphanie-Marie Degand, consacré aux Indes galantes de Rameau dans une version réduite.
Réduite, en effet, d’abord par la durée, puisque le tout devait occuper une soirée du Festival de Sablé sans excéder les deux heures, entracte compris ; réduit aussi par l’effectif : une vingtaine d’instrumentiste et cinq chanteurs. C’était une véritable gageure de conserver la sève de l’œuvre en l’allégeant ainsi, mais La Diane Française a réussi son pari.
Stéphanie-Marie Degand a procédé à des coupures, guidée en cela par les aménagements réalisés pour des reprises du vivant même de Rameau. L’absence de chœur en a elle-même imposé plusieurs ; l’absence de mise en scène aussi : l’entrée « Les Fleurs, fête persane » a ainsi été entièrement supprimée, comme étant celle qui repose le plus sur le spectacle, et en particulier sur la danse, puisqu’elle fait place à un long « ballet figuré ». À notre sens, toutefois, il aurait été plus judicieux de se passer du prologue, point évident à suivre pour les spectateurs et nullement indispensable ; ce choix aurait été d’autant plus pertinent qu’il n’y avait ni trompettes ni musette, instruments qui s’opposent dans le prologue, et que le prologue fait la part belle au chœur. Bref, il ne restait pas grand-chose du prologue, mais ce pas-grand-chose permettait à l’auditeur de s’habituer à l’ensemble, à sa sonorité et à ses partis-pris.
Et en matière de sonorité, l’on n’a pas été déçu. Dès l’ouverture, il y a un son d’ensemble, timbré, riche. On est frappé par l’attention apportée aux dynamiques et au phrasé, qui ne deviennent jamais affectés pour autant. Et « quelles vives couleurs » ! On en découvre une nouvelle dès le premier air, plus légère, presque diaphane. Plus loin, dans la tempête de l’entrée du « Turc généreux », la tempête marine déchaîne des forces inattendues et parvient, au moment où Émilie chante « Vous êtes la terrible image du trouble de mon cœur », à évoquer quelque chose de véritablement terrifiant. Encore un peu plus loin, les Tambourins, en trouvant un air d’enjouement et de vivacité naturels, évitent toute vulgarité. Bref, l’on est agréablement surpris presque à chaque instant par de nouvelles couleurs, textures, nuances, dynamiques, et par leur grande justesse.
Du côté de la distribution vocale, comment être déçu avec un trio qui présente la fine fleur du chant français : Chantal Santon, Mathias Vidal et Thomas Dolié chantent cette musique comme ils respirent, passent d’un personnage à l’autre sans jamais s’économiser. Malgré une évidente fatigue vocale, il faut saluer la performance de Thomas Dolié, passant d’Osman au terrible Huascar avec lequel il réussit une incarnation convaincante, et enfin au comique Don Alvar qui lui donne l’occasion de montrer qu’il sait aussi se montrer plus léger. Mathias Vidal, tout en nuances, est toujours très engagé et séduit par une articulation en passe de devenir légendaire qui ne se fait jamais au détriment ni de la justesse ni du timbre. Son Damon (dans l’entrée des « Sauvages ») est anthologique. Quant à Chantal Santon, on ne sait plus quels lauriers lui tresser : sera-ce pour son timbre toujours aussi velours ? pour son tempérament dramatique qui a su animer les récits ? pour la virtuosité sans faille (l’air final « Régnez, plaisirs et jeux », même pris à une allure d’enfer, n’a rien pour l’effrayer) ? Signalons enfin Agathe Peyrat, remarquable jeune soprano au timbre élégant, un rien acidulé (juste ce qu’il faut), et au style non dénué de charme, à qui est revenu, outre d’autres petites rôles, celui, plus conséquent, de Phani dans l’entrée des « Incas ».
Stéphanie-Marie Degand a su insuffler une dynamique forte au tout, menant une soirée sans temps mort. Bien sûr, l’on pourrait formuler tel ou tel reproche (sur la précision de l’intonation en quelques endroits, sur l’usage des percussions en quelques autres — et en particulier le manque de timbale dans certaines pièces), mais devant l’engagement de chacun, l’intérêt de certaines propositions, l’évidence de la transmission et de l’expressivité, l’on passe aisément sur ces menus défauts. Il faut espérer que la Diane Française aura l’occasion de reprendre ces Indes galantes et de les peaufiner encore. En attendant, souhaitons beaucoup de succès dans ses projets à venir à cet ensemble prometteur.
INFORMATIONS
Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes
La Diane Française
Stéphanie-Marie Degand, dir.
Chantal Santon-Jeffery, soprano
Agathe Peyrat, soprano
Mathias Vidal, haute-contre
François Joron, taille
Thomas Dolié, baryton
Concert donné dans le cadre du Festival de Sablé, vendredi 25 août 2017.
Photo de Stéphanie-Marie Degand © Séchet
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