par Loïc Chahine · publié vendredi 18 aout 2017
Il y a deux ans, Olga Pashchenko devait venir jouer du clavecin au festival Bach en Combrailles. Pour d’obscures raisons administratives, elle ne put venir et Jean-Luc Ho, presque à l’improviste, vint la remplacer. Pour le festival, ce fut une sorte de révélation — tant et si bien que, si l’an passé le claveciniste n’y fut pas, il est désormais « artiste en résidence » à Bach en Combrailles pour trois ans, de 2017 à 2019. Il se voyait donc confier pour cette dix-neuvième édition une journée entière, avec un récital l’après-midi, un concert « Jean-Luc Ho and Friends » en soirée, et, en nocturne, une conversation avec le facteur de clavecins Émile Jobin, animée par l’homme de radio et conférencier Benjamin François.
Pour son récital, le claveciniste a choisi d’évoquer la rencontre avortée de Johann Sebastian Bach avec Louis Marchand. Ce dernier avait plus ou moins fui la France suite à quelques esclandres qu’il s’était permis. Arrivé à Dresde, il se fit fort remarquer par la qualité de son jeu, et l’on appela Bach pour le concurrencer… mais avant que Bach n’arrive, Marchand s’était encore enfui.
Jean-Luc Ho a donc mis côte à côté une suite en ré mineur de Marchand et la quatrième Partita de Bach — celle qui début par une ouverture à la française, que rappelle encore une fantaisie pour clavecin de Telemann placée en début de programme — hommage discret mais bienvenu à ce compositeur mort il y a exactement 250 ans.
Le jeu de Jean-Luc Ho est franc mais sans esbroufe. Il possède des qualités essentielles au clavecin français, à commencer par une clarté du discours musical et la parfaite intégration de l’ornement à la ligne mélodique. Souvent, les pièces semblent prendre forme, au sens matériel du terme, au fil de leur développement ; ainsi de la Sarabande de Marchand, d’abord déchirée, et qui se structure petit à petit dans son foisonnement. Dans la Gavotte en rondeau, l’accent est mis sur le caractère chantant, quasi petit air ou brunette ; un phrasé plus ferme renouvelle la dernière reprise ; la même tendresse se retrouve dans le menuet qui suit immédiatement, et contraste avec la dureté de la Gigue, où certains accents évoquent la danse, et suggèrent des « élevés ». La chaconne, enfin, quoique peu variée, témoigne d’un sens consommé de l’agogique : sans en abuser, elle lui conserve toute sa valeur.
À notre goût, l’immense allemande de la quatrième Partita a été prise à un tempo un tantinet trop rapide, mais on y retrouve les mêmes qualités que chez Marchand, avec quelque chose de plus ludique — certaines pièces, comme l’Aria ou le Menuet, s’y prêtent. Tout à l’opposé de celle de Marchand, la sarabande de Bach est noble et apaisée.
En soirée, Jean-Luc Ho, à l’orgue positif, était rejoint par cinq chanteurs pour un florilège varié de musique allemande, de Ludwig Senfl à Felix Mendelssohn. Seule excursions en France, le Transfige de Charpentier, d’ailleurs l’une des pièces les plus remarquables de la soirée, avec, justement, le motet « Herr nun lässest du deinen Diner » de Mendelssohn (a cappella). L’ensemble vocal s’est avéré assez homogène, d’un beau son, mettant bien en valeur l’écriture. Toutefois, le motet de Bach « Jesu meine Freude » nous a paru certes bien dramatisé, mais sans doute pas assez soutenu pour passionner de bout en bout. Les deux motets de Telemann se sont néanmoins avérés de belles découvertes : pièces agréables et inventives, d’une grande efficacité, et bien défendues par l’ensemble.
L’orgue positif ne rendait sans doute pas assez justice au musicien qui le touchait, en particulier à son inventivité, ce qui ne l’a pas empêché de proposer de belles pièces solistes, dont on a particulièrement apprécié la netteté d’articulation. Toutefois, il faut bien reconnaître que les « Friends » prenaient assez nettement le dessus sur Jean-Luc Ho lui-même, réduit au rang de soutien pendant la majeure partie du concert.
Terminer la soirée dans l’intimité, avec un virignal muselaars, un ottavino et un clavicorde, s’est avéré fort plaisant. Le claveciniste et le facteur ont pu évoquer, au gré des questions de Benjamin François, les rapports entre un musicien et son instrument, entre l’instrument et la musique elle-même, les trouvailles, les influences mutuelles… Bref, faire entrer un peu les non-initiés dans la « cuisine » et rappeler que la musique s’ancre aussi dans la matière.
INFORMATIONS
Concerts donnés dans le cadre du festival Bach en Combrailles, le jeudi 11 août 2017.
Crédit photo : Agence Louise.
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