par Loïc Chahine · publié samedi 6 février 2016
L’ensemble Ricercar est un habitué de la Folle Journée. Depuis que nous nous y rendons — et cela commence à faire un certain temps —, nous n’avons souvenir d’une édition où il fût absent. Abondance de bien ne nuit pas : cette année, il propose plusieurs programmes. En combinant les deux programmes « Le Vent » et « Les Animaux », on parcourt la France, l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie baroques.
L’un d’entre eux, « Le Vent », est consacré à la musique française, et composé de pièces de Pierre Gautier de Marseille et Marin Marais, d’extraits de Castor et Pollux de Rameau, et de la cantate Léandre et Héro de Clérambault. Les pièces instrumentales sont habilement défendues. On a particulièrement goûter le Passacaille de Gautier qui ne ménage pas la virtuosité — et de virtuosité, Enrico Gatti, Marc Hantaï, Philippe Pierlot, François Guerrier et Daniel Zapico n’en manquent pas. Philippe Pierlot livrera d’ailleurs de fort jolies pièces de Marais un peu plus tard dans le programme.
Avec Rameau, il se passe toujours, pourvu que cela soit bien joué — et c’était ici le cas — cette chose étonnante qui fait que derrière chaque note, même dans les airs en apparence les plus faciles, on entend un véritable démiurge. La soprano Hanna Bayodi-Hirt n’a toutefois pas su donner à ses trois airs (« Ici se lève l’aurore », « Séjour de l’éternelle paix » et « Brillez, astres nouveaux ») des caractères inoubliables, restant comme en surface — sans doute se réservait-elle pour le morceau de choix.
Le morceau de choix, bien sûr, c’est Léandre et Héro, l’une des cantates les plus brillantes de Clérambault, racontant l’histoire de deux amants séparés par le Bosphore. Léandre veut rejoindre son aimée, il décide de traverser à la nage — non sans avoir adressé une prière à Vénus —, mais une tempête se déclare et il périt. Héro le suit « dans la nuit du tombeau » — en l’occurrence, dans les flots — mais Neptune, pris de pitié, les élève « au rang des immortels » (non, il ne s’agit pas d’une allusion à l’Académie française).
Ici, l’ensemble anime aimablement l’intrigue, peint les tableaux gentiment colorés où sont des personnages gracieux — c’est Charles de La Fosse plutôt que Rubens. Le timbre d’Hanna Bayodi-Hirt est assez clair, joli mais un peu lisse. Le charme opère toutefois, et l’on se laisse porter par cette interprétation un rien sage mais qui rend justice à la belle musique de Clérambault.
Autre programme, autre monde : en effectif purement instrumental cette fois, le Ricercar évoque aussi les animaux, avec, bien sûr, la Sonata representativa de Biber, mais aussi, liée à elle par un thème en commun (la « marche des mousquetaires ») la Battaglia de Schmelzer — encore une digression —, une sonate sopra “cucu” de Clamor Heinrich Abel et enfin — en fait, pour commencer — le Capriccio stravagante de Farina.
L’intention du Ricercar ici a paru donner la priorité au musical sur le descriptif. Il ne s’agit pas, par exemple chez Biber, de briller en jouant avec les animaux évoqués, mais plutôt de respecter la partition — une optique plus réforme que contre-réforme, donc. Cette sobriété fonctionne assez bien ici — d’autant mieux qu’Enrico Gatti est un grand musicien, disons-le tout net. Le son est à chaque instant d’une très belle qualité, doux, personnel. Les vraies réussites sont toutefois davantage le Capriccio, finement caractérisé, et une Battaglia de Schmelzer franche et sans ambages.
On ne vient pas écouter le Ricercar du « rentre dedans », mais plutôt pour entendre une certaine probité musicale. Une voix de la sagesse ?
INFORMATIONS
Concerts donnés le 5 février 2016 dans le cadre de la Folle Journée de Nantes.
Le programme “Le Vent” sera redonné dimanche 7 février à 20h30 (concert 304).
Le programme “Les Animaux” sera redonné samedi 6 février à 19h (concert 209) et diffusé en direct sur Arte concert.
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