par Loïc Chahine · publié jeudi 26 mai 2016 · ¶¶¶¶
Lutosławski fait certainement partie des compositeurs les plus accessibles du xxe siècle pour le non-spécialiste, tant sa musique est pleine de séductions : l’amateur de « classique » retrouve des repères familiers, ceux du rythme et de la mélodie, mais peut également y découvrir des recherches de timbres et un goût prononcé pour l’évocation (au sens le plus riche du mot) d’atmosphères qui, eux, sont tout à fait dans les préoccupations majeures du xxe siècle, dans la lignée, par exemple, de Debussy. De fait, on peut se demander si, par son aspect à la fois savant et séduisant, Lutosławski n’incarne pas dans plusieurs de ses œuvres une sorte de synthèse réussie de certains courants du xxe siècle, celui qui va de Debussy à Ligeti en passant par Bartók ou Szymanowski.
Le disque de Krzysztof Urbański et du NDR Symphony Orchestra rappelle opportunément que l’ancrage dans ce que l’on peut appeler le folklore, ou, à défaut, le populaire, n’est pas absent chez Lutosławski. Œuvre moins connue que les deux autres au programme, la Petite Suite, en effet, se compose de danses et chansons folkloriques auxquelles l’arrangement original « donne un visage complètement différent ». De fait, ces quatre petites pièces (aucune ne dépasse trois minutes) ont à la fois la fraîcheur mélodique d’une musique populaire et sa saveur rythmique, et toute l’inventivité, déjà, de Lutosławski. Voilà une petite œuvre aimable et suffisamment pittoresque pour trouver une place entre le Concerto pour orchestre et la Quatrième Symphonie.
Le Concerto pour orchestre est bien mieux connu, et il fait partie, à juste titre, des œuvres mêmes les plus célèbres du compositeurs. Ici, la force rythmique devient incoercible, sans jamais pourtant tomber dans la frénésie, et de cette œuvre on serait tenté de dire qu’elle est « une force qui va », si l’expression n’était déjà prise.
Quant à la Quatrième Symphonie, elle constitue la dernière grande œuvre achevée de Lutosławski qui lui a consacré une maturation de presque quatre ans, entre 1988 et 1992 (il mourra en 1994), tout en se consacrant aussi à d’autres pièces de moindre envergure et aux Chantefleurs et chantefables (1989-1990). Cette symphonie en un seul mouvement d’une vingtaine de minutes déploie des mystères de timbre, des splendeurs d’orchestration en même temps qu’une remarquable limpidité de construction : elle s’élance avec autant de clarté que de puissance et en cela rejoint bien la Concerto pour orchestre.
De ces trois œuvres, le NDR Symphony Orchestra sous la direction de Krzysztof Urbański livre une interprétation riche et haute en couleurs : la lecture est forte, musclée, mais ne laisse jamais de côté l’attention au détail. Dès les premières mesures de l’Intrada du Concerto pour orchestre, le phrasé et les dynamiques sont ciselés avec une diabolique précision, de sorte que ces motifs, ces phrases, bien connus, intéressent, voire surprennent, et sonnent avec un élan constant. On apprécie la beauté des atmosphères qui s’épanouissent tout au long du disque, que ce soit dans la Petite Suite où les contrastes, sans jamais être ridicules, sont bien marqués, ou au début de la Quatrième Symphonie qui s’étire tout en somptuosité quasi ésotérique. Krzysztof Urbański ne laisse pas un moment de répit à l’auditeur et l’emporte avec conviction.
En proposant deux œuvres majeures, assurément parmi les plus emblématiques et les plus réussies du compositeur, ainsi qu’une pièce moins connue mais non moins agréable (et offrant d’ailleurs un moment de légèreté entre deux chefs-d’œuvres d’un grand sérieux), ce disque constitue très certainement pour ceux qui ne le connaîtraient pas une belle introduction à l’univers fascinant de Lutosławski ; aux autres, il offre de belles versions qui méritent d’être connues. On y revient volontiers.
Concerto pour orchestre, I, Intrada
Petite Suite, I, Fujarka
INFORMATIONS
NDR Symphony Orchestra
Krzysztof Urbański, dir.
1 CD, 56’15, Alpha (Outhere Music), 2016.
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