par Loïc Chahine · publié mercredi 2 octobre 2019 · ¶¶¶¶
Faust de Gounod, version de 1859 ? Pas exactement, comme l’explique Alexandre Dratwicki dans le premier texte de ce livre-CD. Son double but est à la fois de faire entendre « le maximum de pages inédites » et de proposer une version « viable en scène ». La différence principale entre cette version et le Faust « standard » qui fut longtemps un des piliers du répertoire lyrique, c’est qu’en 1859, il s’agissait d’un opéra-comique ; sont ici restitués les dialogues, mais aussi les mélodrames, dont certains ont dû être complétés pour l’occasion.
Principale surprise de la distribution, Véronique Gens en Marguerite. Le directeur artistique du Palazzetto Bru Zane s’en explique assez longuement : le rôle était originellement dévolu à une voix plus sombres et plus dramatique que le soprano lyrique léger qui s’en est souvent emparé par la suite. Très à son aise dans ce répertoire, Véronique Gens exploite avec art ses propres moyens, sans chercher à se faire autre qu’elle n’est. Il en résulte une relecture du personnage, une Marguerite plus sage que coquette, plus tourmentée qu’amoureuse — moins fragile et plus grande.
Benjamin Bernheim expose un ténor aussi gracieux qu’engagé. Le timbre est élégant, quoique le chant soit parfois un peu monocorde. En revanche, Andrew Foster-Williams déçoit en Méphisophélès ; la voix semble s’être abîmée, le timbre s’élime, et le chant s’avère souvent poussif. Reste une certaine intelligence du texte, dans les parties chantées du moins. Mais ce diable fait au fond assez pâle figure devant le Valentin altier de Jean-Sébastien Bou. Malgré son engagement, Juliette Mars ne convainc pas totalement en Siebel assez peu juvénile dans ses parties chantées ; mais la Dame Marthe d’Ingrid Perruche séduit par sa gouaille, en particulier dans les dialogues.
Justement, côté dialogues, Juliette Mars se distingue par la tendresse dont elle sait parer son personnage, quand Véronique Gens sonne terriblement plate, voire fausse. En quelques endroits, Andrew Foster-Williams est carrément inintelligible. Il nous semble qu’a manqué une vraie direction d’acteurs de ces parties parlées.
Les Talens lyriques de Christophe Rousset semblent ici aussi bien à leur aise que chez Salieri. Certes, les expériences des Tragédiennes avec Véronique Gens avaient amené orchestre et chef jusqu’au xixe siècle, mais ils ont ici gagné en maturité. Les Talens trouvent, en plus du dynamisme impulsé par leur chef, un moelleux et une séduction plastique du son enchanteresse — écoutez le prélude de l’acte III, par exemple.
L’une des grandes forces de ce nouvel enregistrement de l’œuvre la plus célèbre de Gounod, c’est qu’il ne prétend pas dépasser ou se substituer aux références existantes, mais s’y ajouter et les compléter. Il y réussit brillamment. Sans se contenter d’apporter de nouvelles perspectives et d’avoir l’air documentaire, ce Faust procure un vrai plaisir en lui-même. N’est-ce pas l’essentiel ?
INFORMATIONS
Benjamin Bernheim, Faust
Véronique Gens, Marguerite
Andrew Foster-Williams, Méphistophélès
Jean-Sébastien Bou, Valentin
Juliette Mars, Siebel
Anas Séguin, Wagner, Un mendiant
Ingrid Perruche, Dame Marthe
Les Talens Lyriques
Flemish Radio Choir
Christophe Rousset, dir.
2h55, Palazzetto Bru Zane, 2019 (enregistré en 2018).
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