par Jean Massard · publié mercredi 30 octobre 2019 · ¶¶¶¶
Contre-ténor star révélé en un temps record par une vidéo aux millions de vue sur YouTube, Jakub Józef Orliński signe avec ce disque son premier récital aux côtés d’Il Pomo d’Oro, rond de serviette incontournable des labels discographiques mondialisés quand il s’agit d’accompagner un programme d’arias baroques.
Bien qu’ici longuement explicité dans le livret, l’on demeure toujours quelque peu circonspect devant les programmes de ce genre. Comme souvent s’y mêlent des airs choisis dans différentes bibliothèques (certains issus de l’école napolitaine, d’autres de la cour de Dresde…), sans véritable lien entre ceux-ci si ce n’est l’orientation que le titre — assez vague bien que poétique — d’Anima Sacra semble esquisser : voilà qui a un rapport avec le sacré. On balaye donc la musique italianisante de la première moitié du XVIIIe siècle, entre liturgie et oratorios, de Zelenka à Terradellas. Saluons toutefois la volonté, rare dans cet exercice, de donner certaines œuvres dans leur intégralité : c’est le cas par exemple du Confitebor tibi Domine de Nicola Fago, enregistré ici pour la première fois.La voix douce et caressante de Jakub Józef Orliński, qui cultive une délicieuse fragilité dans le médium, conserve son timbre de façon assez homogène dans l’ensemble des registres. Il paraît très à son aise dans le répertoire choisi. Seuls manquent quelque peu de relief ses da capo dont l’ornementation un peu sage a le mérite d’être bien exécutés, n’apportant peut-être pas assez de passions à l’âme sacrée tourmentée qu’annonce le livret. La première vocalise du Memoriam fecit montre bien la grâce et la profondeur particulière de la voix du chanteur. Cependant, les mélismes de cette piste manquent parfois d’une ligne, s’y bien qu’on si perd un peu : si l’écoute à l’échelle de chaque motif révèle une interprétation très riche, émouvante voire bouleversante, la phrase semble s’essouffler un peu ou manquer d’une certaine agogique.
L’orchestre, quant à lui, ne convainc que partiellement. Même s’il compte des musiciens dont on apprécie la musicalité et la maîtrise (l’archiluth de Luca Pianca, qui donne tout son relief au continuo de Alla gente a Dio diletta qu’il tisse avec pertinence), il peine à imposer un son confortable dans cette musique à l’orchestration presque chambriste. La prise de son tente en vain d’ordonner les choses, les timbres n’en paraissent que plus condensés et trop artificiellement agencés : violons souvent trop lointains, continuo trop présent, cors perdus derrière un étrange nuage de brume.
Enfin, la direction de Maxim Emelyanychev s’applique strictement à la partition, ce qui n’est en rien blâmable sinon que des mouvements dont l’écriture est plus théâtrale pâtissent d’un manque de jeu quand on voudrait y voir les ors et les volutes de la Naples baroque. Le Memoriam fecit cherche en vain à atteindre un grandiose qu’on n’ose pas, quand d’autres pistes, traitées avec efficacité, ne s’attardent pas sur les intentions musicales.
INFORMATIONS
Jakub Józef Orliński, contre-ténor
Il Pomo d’Oro
Maxim Emelyanychev, clavecin et direction
75’37, Erato, 2018.
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