par Jean Massard · publié lundi 26 novembre 2018 · ¶¶¶¶
Abondamment pratiquée par les contre-ténors, la musique de Purcell est peu propice au star system qui les entoure souvent aujourd’hui. On ne s’étonnera guère, dès lors, que Tim Mead ne joue pas au divo dans ce programme où il est entouré des Musiciens de Saint-Julien — entouré véritablement puisque les pièces chantées, choisies pour la plupart parmi les « tubes », alternent avec des pièces strictement instrumentales.
À la lecture du livret qui accompagne le disque, on perçoit l’importance que le directeur artistique à voulu donner à l’ornementation, virtuose et intégralement écrite. Et si bien des œuvres instrumentales choisies sont très empreintes d’une inspiration populaire, l’ensemble, très hédoniste, peine à démarquer la musique de Purcell des « country dances » irlandaises ou écossaises par sa lecture qui reste en surface.
La variété des timbres, apporte une grande richesse à l’ensemble instrumental. Ainsi, pour le continuo, entre le clavecin, l’orgue, la viole, la harpe, le théorbe, la cittern et la guitare, la diversité de l’instrumentarium donne, sur un autre plan, une vigueur particulière à cette musique. Quant au son, il offre une impression générale de grande clarté, assez béate, très homogène. Mais cette dimension aérienne oublie ainsi peut-être trop un ancrage tellurique qui aurait pu aider à restituer davantage la profondeur du discours de Purcell, qui est pourtant atteinte de temps à autres, comme par exemple dans « Here the deities approve » où les violons, souples, déploient leurs rubans légers sur l’épaisseur orchestrale qui donne toute sa nostalgie à l’air. À contrario, « Fairest Isle » est bousculée par l’ornementation certes riche et suave, mais dont la nervosité agite un tel moment de douceur.
Tim Mead parvient à apporter une dimension profonde, et à ancrer ses mélodies dans les affects. De ce qu’il chante, tout se comprend. Dans « O Solitude », air qu’on a l’impression d’avoir trop entendu, il reste fidèle au texte d’origine et émeut par sa véracité. Quant à son timbre dense en harmoniques et d’une matière chaude et vibrante, il le fait passer d’un grave qui caresse à des aigus perçants, avec un calme qui donne toute son évidence au chanteur dans un tel répertoire. L’air « ’Tis Nature’s voice » montre assez bien l’éventail que couvre la souplesse sa voix, doublée d’une grande facilité dans les vocalises. On s’étonne toutefois qu’il s’empare de certaines pages dévolues à d’autres voix, comme « What power art thou », le célèbre air du génie du froid de King Arthur, écrit à l’origine pour baryton-basse ou, justement, « ’Tis Nature’s voice », pour ténor aigu.
De ce disque, on retiendra un sens virtuose de l’agrément et de la vivacité, mais assurément aussi la majesté de la voix de Tim Mead qui règne en maître dans le répertoire de son homeland.
INFORMATIONS
Tim Mead, contre ténor
Les Musiciens de Saint-Julien
François Lazarévitch, flûtes et direction
66’10, Alpha Classics, 2018.
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