par Wissâm Feuillet · publié vendredi 19 octobre 2018 · ⁜
Univers culturel lointain ou difficile à percer, interprétations ou trop peu engagées ou surjouées et mises à goût du jour, problèmes de compréhension des textes : toutes ces raisons rendent la musique médiévale d’un accès ardu ; peu d’ensembles y réussissent pleinement. Quelle belle surprise, dès lors, que ce premier disque de l’ensemble Sollazzo ! Parle qui veut est une réussite absolue.
Consacré au répertoire français et italien du Moyen Âge tardif que s’intéresse l’ensemble, ce disque fait entendre des textes en langue d’oc, en langue d’oïl et en italien. où l’ensemble fait montre de réelles qualités de prononciation mises au service des textes, même s’il ne faut pas s’attendre à tout comprendre : les rythmes complexes et les phrases très ornées de ce répertoire aident peut à saisir les paroles. En effet, la virtuosité vocale requise par ces chansons est grande : dès les premières notes du disque, « Il megli’è pur tacere » de Niccolo da Perugia impressionne par la finesse de sa dentelle mélodique. Le texte est murmuré sur un rythme endiablé et progressivement déployé dans des acrobaties vocales. Cette chanson fait bien office de captatio benevolentiae et permet d’entrer véritablement dans le disque, de s’y laisser embarquer.
Chansons vives et chansons teintées de mélancolie alternent, mais le mot d’ordre semble toujours être « Ciascun vuol innarrar musical note », vers emprunté à une chanson de Francesco Landini que l’on peut traduire par « Chacun veut raconter avec des notes de musique ». De fait, chaque musicien, instrumentiste comme chanteur (ou les deux à la fois), semble tisser une histoire en musique. Les vièles à achet et la harpe, autant que les voix, claires, rondes et parfaitement articulées, discourent et narrent avec finesse et bien souvent, avec malice, suggérant de façon opportune les traits comiques de certaines chansons.
Enfin, l’énergie, le sens des dynamiques, habitent chaque piste du disque ; non pas que tout soit faussement endiablé, mais chaque pièce est interprétée avec une énergie qui lui est propre, allant de la virevolte enjouée de « Dal traditor » au flegmatique déroulement du « Basile ».
Assurément l’on arrive que trop vite à la fin de ce disque assez bref (trois quarts d’heure), et avec Parle qui veut, Sollazzo se classe d’emblée parmi les références incontournables de la musique médiévale.
Niccolo da Perugia, « Il megli’è pur tacere »
Antonio Zacara da Teramo, « Cacciando per gustar / Ai cinci, ai toppi »
INFORMATIONS
Yukie Sato, Perrine Devillers soprano
Vivien Simon, tenor
Sophia Danilevskaia, vielle
Vincent Kibildis, harpe
Anna Danilevskaia, vielle and direction
1 CD, 46 minutes, Linn Records, 2017.
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