Les princes du luth de Dresde

par Wissâm Feuillet · publié vendredi 26 octobre 2018 · ¶¶¶¶

Si les talents de Jadran Duncumb nous semblaient très prometteurs, que ce soit avec la violoniste Kinga Ujszászi ou Johannes Pramsohler, le jeune luthiste donne à entendre, avec son premier disque soliste consacré à Weiss et Hasse, un récital enthousiasmant.

Les transcriptions de Hasse et les sonates de Weiss paraîtraient facilement de la même main, et c’est cette unité de style que le luthiste souligne avec justesse : la finesse mélodique tout en simplicité, l’ampleur du cantabile, le moelleux des lignes secondaires, la clarté de la ligne du chant et la richesse des affects sont délicieusement rendus et construisent un écrin sonore qui plonge aisément l’auditeur dans le cadre qui a vu naître et se développer le style galant. L’esthétique, très maîtrisée, se montre impressionnante de conviction, d’autant plus qu’elle est servie par un vrai sens rhétorique exploitant les multiples possibilités de l’instrument, qu’il s’agisse de puissance dramatique dans les mouvements lents (l’Allemande de la sonate en mineur, ou le Prélude de la sonate en ut mineur) ou d’énergie vertigineuse dans les mouvements rapides plus virtuoses (l’Allegro de la Sonate IV de Hasse ou celui de la sonate en mineur de Weiss).

Jouer une tablature de luth, explique Jadran Duncumb dans le livret qui accompagne son disque, c’est envisager non seulement les notes qui sont écrites, mais aussi les notes qui, absentes de la tablature, sonnent tout de même, car elles se prolongent et nimbent les autres d’un halo résonnant. Le luthiste tire parti de ce point dans son interprétation : les choix visant à laisser une note se prolonger ou, au contraire, à en couper la résonance, produisent des effets d’amollissements ou d’enhardissements expressifs. Bien plus, c’est le large ambitus de l’instrument qui est appréhendé dans sa totalité avec une égale maîtrise : les graves sont tantôt doux, tantôt puissants ; l’aigu n’est jamais aigre, mais cristallin et incisif ; le médium est parfaitement lisible.

Qui voudrait entrer dans l’univers du luth baroque allemand sans se plonger d’emblée dans une des intégrales de la musique de Weiss pourrait s’aventurer dans ce disque de très bonne tenue qui laisse présager de futurs succès.

Extraits

Hasse : Sonata 4 “fatta per la Real Delfina di Francia”, I, Allegretto

Weiss : Sonate en mineur, Allegro

INFORMATIONS

Weiss & Hasse : Sonates pour luth

Jadran Duncumb, luth baroque à 13 chœurs

1 CD, 57’19, Audax Records, 2018.

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