par Wissâm Feuillet · publié vendredi 21 septembre 2018 · ¶¶¶¶
Les interprétations sur pianos anciens des œuvres de Schubert ne manquent pas : outre les intégrales des sonates par Paul Badura-Skoda (Arcana) et Malcolm Bilson (Hungaroton), bien des interprètes « historiquement informés » s’y sont aventurés, de Jörg Demus (plusieurs vinyles non réédités) à Andreas Staier, en passant par Alexei Lubimov ou Olga Tverskaya, Lambert Orkis ou Alexander Melnikov, mettant au service du compositeurs tous types de pianofortes. Naruhiko Kawaguchi a classiquement choisi un Conrad Graf de 1817 (copié par Chris Mean), instrument contemporain de Schubert et prisé par le compositeur, pour s’attaquer à un monument du répertoire pianistique : la Wanderer-Fantaisie.
Avant d’y venir, Naruhiko Kawaguchi capte l’attention avec une Mélodie hongroise (D. 817) joyeusement mélancolique ; le langage du compositeurs paraît d’emblée saisi dans sa complexité, savant mélange de tristesse, de langueur, de puissance tragique et de délicatesse, où la sensibilité ne vire pas à la sensiblerie tant le sens de la nuance est juste, et le pianiste, sans se complaire dans de prudes demi-teintes, ménage peu l’instrument.
Au regard des autres œuvres de Schubert, la Wanderer-Fantaisie demeure peu fréquentée sur les pianos anciens. Par son écriture démiurgique, l’œuvre approche les limites des instruments, et Naruhiko Kawaguchi l’exprime clairement : son toucher sait s’y faire lourd, tempétueux, très ancré au fond du clavier dans les moments de gravité où l’on entend craquer la mécanique de l’instrument. Mais la main est aussi légère et fluide dans les mouvements d’emportement véloces, d’une élocution quasiment irréprochable dont les contours paraissent paradoxalement flous. Toutefois, le propos semble parfois s’essouffler…
Dans les Quatre impromptus (D 899), Naruhiko Kawaguchi sait imposer sa vision de l’œuvre, fougueuse et sensible, mais n’évite pas toutefois quelques travers : si le sens du contraste y est parfaitement dominé, les sautes d’humeur joliment réalisées, l’élégance vient parfois à manquer, perdue dans une sorte d’auto-contemplation, de légère complaisance dans un rubato qui égare plus qu’il ne concentre.
Enfin, la conception du programme souffre d’un défaut : à côté des Impromptus ou de la Wanderer-Fantaisie, les transcriptions de Liszt ou les pièces de circonstances de Schubert deviennent assez anecdotiques.
Wanderer-Fantasie, Presto
Impromptu no. 2, D 899
INFORMATIONS
Naruhiko Kawaguchi, pianoforte Chris Mean, after Graf, Vienna 1817
1 CD, 74’45, Fuga Libera, 2018.
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