par Wissâm Feuillet · publié mercredi 18 juillet 2018 · ¶¶¶¶
Xavier Díaz-Latorre, connu pour avoir été l’un des principaux accompagnateurs de Jordi Savall, a donné plusieurs occasions de faire entendre ses talents de soliste au disque, souvent à la guitare, entre autres dans un beau coffret consacré à l’œuvre de Francisco Guerrau (Passacaille, 2014), ainsi qu’au luth baroque allemand (Stolen roses, Passacaille, 2017). Cette anthologie de pièces de Robert de Visée, mêle suites pour théorbe et pour guitare, donne enfin l’occasion de faire entendre le musicien seul au théorbe ; s’il est un excellent continuiste, Xavier Diaz-Latorre, dans son jeu soliste, déploie une véritable pureté d’expression, et ces suites plusieurs fois entendues semblent prendre de nouvelles couleurs.
La qualité majeure de cet enregistrement est, de toute évidence, la clarté de l’articulation et de la conduction des lignes, mise en valeur par une captation qui ne perd pas une miette de l’interprétation. La très haute musicalité des préludes pour théorbe, pièces libres, parfois difficiles à suivre, nous en donne la preuve : Xavier Diaz-Latorre ne sacrifie pas l’ampleur de leur déploiement mais en déroule tout le potentiel mélodique avec une étonnante facilité, tout en ménageant parfois de profonds silences qui leur donnent une gravité supplémentaire. Cette lisibilité est à l’œuvre dans chaque pièce, jusque dans la fine ornementation que le musicien improvise (voyez l’Allemande « La Royalle », par exemple, ou encore la grande chaconne en sol majeur).
Que ce soit au théorbe ou à la guitare, Xavier Diaz-Latorre fait preuve d’une réelle intelligence de la suite de danses ; si ces pièces n’étaient probablement plus faites pour la danse, elles en gardent l’esprit, et pour certaines, l’élégance ; ainsi les sarabandes sont-elles particulièrement réussies, ainsi que tel menuet pour la guitare (dans la suite en ré).
La douceur qui se dégage de ce jeu apaisé est aussi appréciable : il semble que chaque pièce soit envisagée avec sérénité, sans aucune précipitation, chaque note étant goûtée, égrenée avec le plus grand soin, à tel point qu’aucun son parasite ne se mêle jamais au discours qui apparaît dans sa nudité et révèle toutes les qualités de la musique de Robert de Visée. Ainsi la chaconne en sol mineur est l’un des points culminants du programme, poétique en même temps qu’intelligible. Cette douceur a quelque chose de réconfortant et elle laisse imaginer le luthiste royal jouant, dans l’intimité, pour le coucher du roi ; l’on croirait, en quelque sorte, entendre quelqu’un venu jouer spécialement pour nous, à notre chevet.
Toutefois, le disque a le défaut de ses qualités : cette douceur, cette pureté de son, cette propreté, manquent globalement, d’après nous, de rhétorique et d’expressivité, propres à « faire décoller » l’ensemble. En somme, c’est d’incarnation que nous parlons : il n’est que d’écouter « La Plainte », qui a tout du tombeau, mais qui ne déchire pas — le pincer y est assez égal, sans saillances, et tout s’y fond quasiment dans une seule et même nuance. Peut-être faut-il parfois sacrifier un peu au propre pour atteindre le sublime, plus sauvage. Nonobstant, l’on se tournera vers ce disque, que l’on veuille connaître Robert de Visée ou compléter sa discographie, tant il sonne ici pleinement et sans apprêt.Sarabande en ré majeur
Passacaille en si mineur
INFORMATIONS
Xavier Diaz-Latorre, théorbe et guitare baroque
1 CD, Passacaille, 2018.
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