par Loïc Chahine · publié mercredi 25 avril 2018 · ¶¶¶¶
Bien oublié aujourd’hui, contemporain de Mozart, de Beethoven et de Haydn, Johann Franz Xaver Sterjel (1750–1817) connut une certaine gloire en son temps. Né à Wurtzbourg, installé à Mayence, où il fit l’essentiel de sa carrière, il parvint à faire publier certaines de ses œuvres en France, et en particulier huit symphonies données avec succès au Concert Spirituel. Il jouit aussi, indique Joachim Fischer dans le livret du présent disque, d’une certaine réputation qui attirait chez lui les musiciens célèbres de l’époque, comme Ries ou Romberg. Il eut même l’occasion de rencontrer un Beethoven de vingt-et-un ans, et les deux virtuoses se mesurèrent au pianoforte.
Si l’auditeur curieux a pu découvrir deux symphonies de Sterkel dans l’enregistrement de L’arte del mondo dirigé par Werner Ehrhardt, sa musique de chambre restait à découvrir. Ce sera chose faite avec ces trois sonates pour clavier et violon entrecoupées de deux pièces pour piano seul — le tout dans le plus pur style classique.
Gentil, gracieux et policé ? Els Biesemans et Meret Lüthi ne se cantonnent pas à cette image du classicisme. Les premières mesures de la sonate en fa majeur opus 33 no 1 étonnent par leur souplesse autant que le tranchant de leurs contours. Tout au long du disque, les contrastes seront assumés, servis entre autre par le toucher volubile d’Els Biesemans et l’archet acéré de Meret Lüthi. Ce qui ne les empêche pas de rêvasser, d’ailleurs, comme au début de la sonate en si bémol majeur op. 25 — et toute la réussite d’un Andante con variazioni comme celui de la même sonate op. 33 no 1 tient dans ces retournements de situation qui évident à la pièce de sombrer dans la routine. Ailleurs, les nuages s’amoncellent… et se dissipent en quelques instants !
Il fallait cela, sans doute, pour relever une musique tout à fait charmante, inventive dans une certaine mesure, assurément vive, mais certainement pas révolutionnaire. On serait tentés de dire que cela ressemble assez, par moments, à du Haydn, mais sans les blague — ou sans que les potentielles blagues soient mises en valeur (il nous a semblé décerner d’éventuelles plaisanteries dans la Fantaisie pour le Piano-Forte, op. 45). Sans doute touche-t-on là aux limites de cette interprétation : n’est-ce pas, parfois, trop sérieux ? Le Cantabile de la Sonate op. 25, espèce d’élégie rhapsodique, accuse quant à lui un manque de soutien.
Quoi qu’il en soit, nous ne boudons pas notre plaisir : grâce à l’engagement de Meret Lüthi et d’Els Biesemans, ces quelques pages de Sterkel s’écoutent avec plaisir, un plaisir simple et franc.
Sonata Op. 33 No 1, I, Allegro
INFORMATIONS
Els Biesemans, pianoforte
Meret Lüthi, violon
1 CD, 74’17, Ramée, 2018.
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