par Wissâm Feuillet · publié jeudi 30 novembre 2017 · ¶¶¶¶
Le label Brillant Classics, aux yeux de certains, ne paye pas de mine : des musiciens souvent peu connus ou inconnus, des prix bas qui peuvent laisser penser que l’enregistrement est de médiocre qualité, un graphisme peu soigné… Mais avec ce label, l’habit fait rarement le moine : nous pouvons remercier cette maison de faire les choix audacieux que d’autres n’oseraient point faire. L’originalité est souvent au rendez-vous : des pages de musique dont nous ne supposions pas l’existence ou que nous pensions qu’elles ne seraient jamais enregistrées sortent régulièrement sous l’étiquette « Brillant ». C’est le cas de ces sonates italiennes pour mandoline et basse continue jouées par l’ensemble Pizzicar galante.
Enregistrer des œuvres pour mandoline n’est pas si courant ; c’est encore moins courant que ces œuvres ne soient pas les célèbres concertos de Vivaldi. Pourtant, l’instrument a connu un engouement certain entre la fin du xviie siècle et la première moitié du xviiie, à tel point que Telemann lui-même lui accorde des parties solistes dans des concertos. Les sonates enregistrées ici présentent cette particularité : il ne s’agit pas d’arrangements mais d’œuvres dédiées à la mandoline. Certes, la mandoline n’est pas l’instrument principalement visé par Valentini et Boni, mais l’un des instruments possibles, suggéré par les deux compositeurs sur la page de titre de leurs recueils : « Sonate…que possono servire per violino, mandola et oboe ». L’on appréciera ce prudent « che possono servire ». Pourtant, la mandoline semble parfaitement à sa place dans ces sonates légères et enlevées.
Anna Schivazappa fait sonner son instrument avec délicatesse et fermeté : elle fait preuve, dans les mouvements lents, d’un art de l’ornementation consommé, nécessaire pour donner à ces adagios et largos une véritable ampleur ; les mouvements rapides sont nets, précis, parfois emportés, et nécessitent – surtout si l’on fait le choix de la mandoline ! – une certaine virtuosité ! L’on ne s’en rendra que mieux compte en image, dans cet « Adagio » de Valentini sur lequel le disque s’ouvre). Le continuo est solide et à géométrie variable : certaines sonates réunissent viole, théorbe et clavecin ; d’autres se passent de viole, de théorbe ou des deux. Il est dommage que les musiciens n’aient pas poussé cette logique jusqu’à se séparer du clavecin pour entendre la mandoline avec la viole et le théorbe : varier franchement la texture du continuo pourrait donner à entendre différemment l’instrument soliste (c’est le choix – judicieux – qu’a fait l’ensemble au début de son interprétation d’une « Fürstemberg » anonyme). Quant à la viole, elle peut paraître décalée dans un tel programme : n’était-il pas plus vraisemblable de convoquer un violoncelle, plus à sa place dans le répertoire italien du xviiie siècle ? Cependant, Ronaldo Martin Alonso se révèle être, comme souvent, un bon continuiste, ici, assurant une basse lisible et bien articulée, soutenu par le théorbe assez bien audible (c’est rare !) de Daniel de Morais, trop peu présent au disque, malheureusement. La réalisation au clavecin de Fabio Antonio Falcone, sans être éblouissante, est tout à fait sûre et bien menée, on ne peut plus juste pour ce répertoire.
Si l’interprétation est de très bonne tenue, cette musique peut rapidement trouver ses limites : certes, les mouvements lents « lyriques » ont parfois quelque originalité, relevée par l’intérêt d’une savante ornementation ; en revanche, on retrouve dans de nombreux mouvements rapides un air de « déjà-vu » propre à la musique italienne du début du xviiie, propre à cette musique « galante », surtout, dont on se dit que Vivaldi ou n’importe quel autre contemporain pourrait en être l’auteur. L’on écoutera donc ces sonates avec parcimonie pour se mettre, lorsqu’on en aura besoin, de bonne humeur et songer à une ancienne Italie rutilante, celle de Casanova, par exemple…
INFORMATIONS
Ensemble Pizzicar Galante
1 CD, Brilliant Classics, 2017.
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