par Loïc Chahine · publié samedi 28 octobre 2017 · ¶¶¶¶
Nous le disions en d’autres occasions : la musique de nos voisins belges reste relativement mal connue, et la période baroque ne fait pas exception. Toutefois, un nom surnage : celui de Joseph-Hector Fiocco, à qui plusieurs enregistrements ont été consacrés, dont des Pièces de clavecin gravées par Erwald Demeyere (Accent) et un premier groupe de Petits motets très bien servis par l’ensemble Scherzi Musicali (Musique en Wallonie). Voici, pour leur faire suite, un « volume II » qui réuni six nouveaux motets.
Joseph-Hector – Fiocco. L’alliance de ce prénom français et de ce nom de famille italien — le père lui-même, Pietro Antonio, était compositeur — dit exactement ce que l’on peut attendre de ces motets : une alliance, on y revient toujours, des goûts français et italiens. Comme l’écrit Nicolas Achten dans l’agréable et instructif texte de présentation du présent cd, « parfois, l’un ou l’autre passage fait penser à Vivaldi, Pergolèse ou Couperin. Et pourtant, d’une plume ferme et inspirée, Joseph-Hector Fiocco s’affirme comm un compositeur de grande valeur, au langage bien personnel, empli de sensualité et de lumière. » On ne saurait mieux décrire cette musique : un mélange de grâce française et de vivacité italienne, de vigueur sonore et de luminosité. On pense non seulement à Couperin, chez les Français, mais aussi à Henry Du Mont ou Dumont, lui-même né en Belgique, pour l’efficacité du contrepoint. Une sorte de Dumont du xviiie siècle, avec quelques moments très vivaldiens, comme, parmi de nombreux autres, « In cælis assumpta » dans le motet O beatissima virgo.
Sensualité et vigueur, telles sont de fait les deux principales qualités de cet enregistrement au charme souverain. C’est d’abord le résultat d’une équipe solide où les quatre chanteurs sont dotés d’individualités fortes qui ne les empêchent pas de se fondre dans une texture polyphonique cohérente, dense et délicieuse.
On remarque en particulier la soprano Deborah Cachet, qui se signalait déjà dans la Maddalena de Bertali. Le timbre n’a rien perdu en beauté ni en distinction, et la soprano a l’occasion, en particulier dans le Laudate pueri Dominum, de montrer que la virtuosité ne l’effraie pas et que, même, elle peut remplir de grâce les lignes les plus ornées. L’aisance de Reinoud van Mechelen — cf. par exemple l’air initial du motet O beatissima virgo Maria — est, quant à elle, jubilatoire. Le timbre de Nicolas Achten est bien sûr moins brillant, moins séduisant, mais le baryton chante avec naturel et, dans les duos avec la haute-contre (comme « Tartarus ater », dans le motet O beatissima virgo), les deux voix se complètent bien. Il trouve une très belle douceur dans « Et Jesum » du Salve Regina, véritablement élégiaque ; quant à sa vocalisation, il suffira d’écouter le premier mouvement de l’Alma redemptoris mater pour constater qu’elle ne manque pas d’agilité. La basse est, comme souvent, la voix la moins favorisée par les partitions. Sans gronder, Sönke Tams Freier s’en tire avec autorité et classe.
L’équipe instrumentale n’est pas moins solide et sa somptuosité répond à celle des quatre chanteurs. On apprécie particulièrement, outre la séduction plastique du son, l’équilibre de l’ensemble ; ainsi, la partie d’alto n’est pas noyée dans les autres, mais qu’elle demeure au contraire parfaitement audible. Un continuo rutilant et généreux soutient tout ce bel édifice.
En somme, cet enregistrement de motets de Joseph-Hector Fiocco s’impose comme une référence, et l’on n’aura plus d’excuse pour méconnaître le maître belge du baroque.
INFORMATIONS
Scherzi Musicali
Deborah Cachet, soprano
Reinoud van Mechelen, ténor
Sönke Tams Freier, basse
Nicolas Achten, baryton, théorbe, harpe et direction artistique.
1 CD, 73’38, Musique en Wallonie, 2016.
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