par Loïc Chahine · publié lundi 3 juillet 2017 · ⁜
Voici non pas une, mais deux Water Musics : celle, bien connue, de Händel, et celle qui l’est moins, de Telemann, Wassermusik — ce qui rend cette réédition « d’actualité », en ce 250e anniversaire de la mort de Telemann : belle occasion, en effet, de ressortir cet enregistrement de 2003. Au-delà de la thématique commune, l’on sait les lien d’amitié qui unissaient les deux compositeurs et qui méritaient bien qu’on les rassemble sur un même disque.
Si Händel a « simplement » écrit de la musique pour les fêtes royales sur la Tamise, sans chercher à évoquer les mondes aquatiques, Telemann a, quant à lui, choisi d’illustrer dans cette œuvre commandée en 1723 par l’Amirauté de Hambourg des divinités marines dans sa Wassermusik : Thétis (nymphe marine et mère d’Achille), Neptune, Amphitrite, Triton sont rejoints par les vents Éole et Zéphyr (c’est Neptune qui commande aux vents) et, in fine, par de « joyeux marins ». Comme à son ordinaire dans ses suites pour orchestre, Telemann décrit, évoque, peint.
Dans les deux œuvres, l’ensemble Zefiro fait d’abord preuve d’un beau sens de l’équilibre, tant entre les pupitres (les vents sont bien mis en avant, comme on pouvait s’y attendre de la part de cet ensemble dont c’est la spécialité, mais les cordes ne restent pas au second plan : toute la construction est claire sans être appuyée) que du point de vue des tempi et des dynamiques. Rien n’est outré, mais tout sonne. L’ensemble italien s’ébat dans une évidente sensualité sonore qui rend tout cela bien agréable pour les oreilles — et c’est sans doute essentiel pour ces œuvres qui ne sont pas des compositions intellectualisantes. Il y a justement dans l’approche de Zefiro une fraîcheur qui donne le sourire.
Dès les premières mesures de l’ouverture de Händel, on est réjoui par la vivacité et la précision des trilles ; plus loin, à la reprise, l’esprit est aimablement piqué par des ornements légers et bien sentis. Dans la partie rapide, lors de son premier solo, le hautbois développe un phrasé d’une grande intelligence : d’abord assez piqué, il élargit un peu avant que le motif mélodique ne devienne plus legato, comme pour annoncer cet allongement. Dans l’ensemble, et à toutes les parties, le phrasé est classique : rien de vraiment exubérant qui appelle démesurément l’attention, mais rien de relâché non plus. La basse est très remarquable aussi : dynamique, presque explosive par endroits, elle sait, dans les parties lentes, devenir plus douce, plus moelleuse.
Dans cette version, nulle sécheresse, à aucun moment ; prenez, par exemple, l’accord de fin de la partie rapide de la première ouverture : il aurait pu être lâché trop vite, trop piqué, mais tout au contraire, Zefiro lui donne de la dynamique sans l’assécher, le fait sonner sans l’alourdir. L’on pourrait étendre cette lecture analytique à tout le disque ; l’essentiel est dit : Zefiro exhibe ici, sans en avoir l’air, les plus grandes qualités.
Bref, il s’agit là d’une des versions les plus satisfaisantes tant de la Water Music de Händel, par ailleurs beaucoup enregistrée, que de la Wassermusik de Telemann : un disque à avoir et auquel on reviendra comme à un « basique », un parangon.
Händel : Water Music, Ouverture
INFORMATIONS
Ensemble Zefiro
Alfredo Bernardini, hautbois, flûte à bec et dir.
1 CD, 75’29, Arcana, 2017.
D’AUTRES ARTICLES
Jakub.
On dit toujours force mal des réseaux sociaux, mais sans…