par Loïc Chahine · publié jeudi 18 mai 2017 · ¶¶¶¶
Voilà un disque absolument sans surprise : au fil des trois précédents volumes de cette série « Haydn 2032 », Il Giardino armonico et son chef Giovanni Antonini se sont imposés comme des interprètes de référence pour la musique de Haydn. On n’est donc guère surpris que ce quatrième opus soit une nouvelle réussite.
C’est la symphonie no 60 « Per la Commedia intitolata Il Distratto » qui donne son titre à ce CD, accompagnée des nos 70 et 12. C’est donc sous l’angle du théâtre que ces symphonies sont abordées. Cela ne veut pas dire la caricature ou l’histrionisme. Qu’on écoute plutôt le premier mouvement : quelques accords graves, majestueux, ouvrent l’introduction Adagio du premier mouvement, annonçant d’emblée la couleur : de la dynamique, oui, mais aussi de la consistance, de la matière sonore ; de fait, la suite ne dément pas, avec un art consommé de la texture que l’on retrouve tout au long du disque. Avec l’intime cohésion d’Il Giardino Armonico, consistant mais sans lourdeur, Haydn sonne définitivement orchestral ici. Avec l’Allegro di molto qui suit, tout est là : vivacité, dynamiques, nuances, et l’esprit de finesse, indispensable. Quand le drame se profile, ce n’est pas qu’un drame pour rire, mais ce n’est pourtant qu’un nuage inquiétant qui passe comme pour donner plus d’éclat à la luminosité qui suivra. Dans le passage alla musetta du quatrième mouvement, Presto, Il Giardino distille une impression de puissance impérieuse. Plus loin, le Vivace con brio de la symphonie no 70 n’usurpe pas son con brio et réjouit l’auditeur par une vivacité ébouriffante. Quand au dernier mouvement de la même symphonie, ses cinq notes répétées oscillent entre le mystère — « sait-on où l’on va ? » — et la franchise explosive.
Ce que l’on apprécie particulièrement chez Il Giardino Armonico, c’est la classe qui chapeaute le tout. Oui, il y a de l’énergie, de la dynamique et de la profondeur, mais il y a aussi une très grande lisibilité du propos musical, avec en particulier des plans sonores bien marqués — les vents sont particulièrement bien mis en valeur, par exemple dans l’Adagio de la symphonie no 60 (cinquième mouvement). Les mouvements lents sont empreints de charme, de douceur — seul l’Andante de la 70 peine à véritablement passionner, à trouver un ton propre, un petit quelque chose en plus — cela fait, disons-le, bien peu de défaut à regretter, sur tout un CD, qu’un seul mouvement un peu en-deçà du reste.
Par ailleurs, cette nouvelle livraison du projet « Haydn 2032 » renoue avec les deux premières en mettant en parallèle les symphonies avec des œuvres de contemporains de Haydn, en l’occurrence Il Maestro di Cappella de Domenico Cimarosa, petite scène dans laquelle un maître de chapelle indique à ses musiciens ce qu’ils doivent faire : les violons feront « lai, lai, lai, lai », les « petites violes » (les altos) « la, la, la, » et les hautbois « bio, bio, bio, bio ». On retrouve chez le baryton chaleureux de Riccardo Novaro les mêmes qualités que partout chez Il Giardino Armonico : sens de l’à-propos, conscience de ce qu’il faut donner exactement, ni trop ni trop peu.
Il y a partout dans ce disque comme une bienveillance à l’égard de l’auditeur, et si la grâce domine l’Allegro initial de la 12e symphonie, elle est en fait partout, plus ou moins lointaine, mais toujours sensible. On a l’impression que tout cela nous sourit.
INFORMATIONS
Il Giardino Armonico
Riccardo Novaro, baryton
Giovanni Antonini, dir.
1 CD, 79’55, Alpha Classics (Outhere), 2017.
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