par Loïc Chahine · publié lundi 30 janvier 2017 · ¶¶¶¶
Peu de gens, sans doute, pouvaient se vanter de connaître Carlo Francesco Cesarini, même si, d’après Giacomo Sciommeri, l’auteur de la note de présentation dans le livret du présent disque, il « peut sans aucun doute être considéré comme l’un des compositeurs les plus importants de la Rome du baroque tardif ». De fait, si les compositeurs italiens jouissent d’une grande faveur auprès des ensembles spécialisés dans la musique ancienne, ils sont si nombreux que tous n’ont pu encore prétendre à une résurrection.
Contemporain d’Alessandro Scarlatti, Cesarini s’est entre autres illustré, comme lui, par sa production de cantates. Comme en France, la cantate est un genre principalement profane en Italie ; mais dans le genre italien, point de narrateur : la parole est donnée à un personnage qui narre ses tourments amoureux. Six cantates trouvent place sur cet enregistrement de Stéphanie Varnerin avec l’ensemble L’Astrée, « gruppo cameristico dell’Accademia Montis Regalis » — que l’on ne confondra pas avec Le Concert d’Astrée. Outre les traditionnels bergers galants, on entendra ici Arianne (« Già gl’augelli canori ») et, plus original, une cantate dont le discours est adressé à Phaéton (Fetonte) par son père, Apollon.
La musique, de fait, théâtrale, inventive, est tout à fait intéressante et variée, et si l’on reconnaît quelques structures, la ligne vocale prend volontiers des chemins inattendus. Nulle exposition, ici, de virtuosité ; l’humeur est plutôt mélancolique. Il faut faire le voyage jusqu’à l’ultime « Oh dell’Adria reina », car, si certains passages des cantates avec la seule basse continue laissent un peu à l’esprit, parfois, l’occasion de vagabonder, toute cette dernière cantate est fort belle et les deux parties de violons apportent des coloris touchants et justes.
Stéphanie Varnerin met bien de la conviction à défendre ces partitions. La voix est agréable, souple, sans doute très adaptée pour cette musique de chambre, et aucun défaut technique n’est à déplorer ; l’articulation est particulièrement soignée, et le texte demeure à chaque instant parfaitement intelligible ; l’attention se porte cependant plus au mot plus qu’à la phrase. Par ailleurs, on pourrait se demander si un peu plus de théâtralité et de variété n’eussent pas été bienvenues, et certains pourront déplorer un chant qui, à la longue, s’avère peut-être un peu scolaire.
L’ensemble instrumental dirigé par le claveciniste Giorgio Tabacco fait preuve d’une grande réactivité, d’une versatilité qui « colle » bien à la musique de Cesarini. C’est surtout le continuo, très sollicité (quatre des six cantates sont « per soprano e basso continuo », les deux autres intègrent deux violons), qui brillent par sa variété : il soutient, il enrobe, il anime. Les violons, dans les deux cantates qui leur font appel, sont délicats ; ils ont l’art de ne pas tirer la couverture à eux, de rester un peu en retrait sans toutefois vraiment s’effacer. L’on n’aurait pas dédaigné, d’ailleurs, l’ajout de quelques pièces instrumentales.
Cesarini constitue donc une découverte qui mériterait sans doute, maintenant, d’être approfondie.
Cantate Oh dell’Adria reina, aria «Era l'ora che l'aurora»
INFORMATIONS
Stéphanie Varnerin, soprano
L’Astrée
Giorgio Tabacco, clavecin et direction
1 CD, 70’, Aparté, 2017.
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