par Loïc Chahine · publié mardi 25 octobre 2016 · ¶¶¶¶
Si c’est par ses compositions vocales surtout que Mondonville acquit une grande notoriété (ses grands motets, ses opéras dont surtout l’immense succès que fut en son temps Titon et l’Aurore, mais aussi l’Isbé qui a été ressuscitée récemment à Budapest et devrait paraître au disque), c’est par des œuvres instrumentales qu’il se fit d’abord connaître : des sonates pour violon et basse continue opus 1 en 1733 (l’année même d’Hippolyte et Aricie de Rameau), puis des sonates en trio op. 2 l’année suivante. Ces sonates, outre leur agrément propre, nous invitent à entendre la formation de la personnalité du compositeur.
Plus que tout autre genre sans doute, la sonate en trio est alors un bastion italianisant implanté dans la musique française, car si de Marin Marais (Pièces en trio, 1693) à François Couperin (Les Nations, 1726), quelques compositeurs ont eu à cœur de « franciser » le trio, dans les années 1730, avec des œuvres comme celles de Leclair (op. 4, n.d.) ou celles de Mondonville, regarde plus que jamais vers l’Italie, et l’on pensera davantage, en écoutant ces six sonates, à Corelli ou à Händel qu’à Lully et Rameau : des mouvements lents s’achevant sur un accord non conclusif pour enchaîner attacca avec le vif suivant, des vifs volontiers fugués, des marches, voilà les éléments de base du langage ici représenté. Seule « originalité » : pour trois sonates, Mondonville a imaginé qu’une flûte traversière puisse se substituer à l’un des violons, apportant ainsi une note de couleur un peu différente — option retenue ici pour deux des sonates, qui apporte une note de couleur.
Sans doute faut-il écouter ce disque en se dispensant de la première sonate, assez convenue dans le genre italianisant. De fait, les cinq autres s’avèrent beaucoup plus séduisantes, déployant virtuosité — entre les traits et les doubles cordes, l’on peut dire que les violons ne chôment pas — et cette énergie mondonvillienne qui est si appréciée dans les motets — remarquable, par exemple, dans la Fuga de la quatrième sonate, ou dans l’Allegro final de la dernière sonate, avec ses trilles. En fait, plus on avance, plus les sonates semblent inspirées, comme le Presto final de la même sonate, où le motif d’accompagnement du second violon est tout en triolets alors que la basse avance par croches.
L’ensemble Diderot, dirigé par le violoniste Johannes Pramsohler, a soin d’éviter tout histrionisme et se distingue d’abord par son élégance. De fait, bien des mouvements lents sont fort réussis, comme l’aimable Cantabile central de la troisième sonate, ou l’élégiaque Largo qui ouvre la quatrième sonate, où, au milieu d’un motif réunissant les deux violons apparaît, soudainement, une mélodie, comme flottant… L’union des deux violons est si parfaite qu’on finit par ne plus savoir quand les deux jouent à la tierce ou à la sixte, ou quand c’en est un seul qui joue en doubles cordes.
La gigue de la troisième, pour vive qu’elle soit, ne se dépare pas d’une certaine amabilité et trouve un tempo juste. Point ici de crescendo ostentatoire, de piqués excessifs, d’effets de manche, mais au contraire beaucoup de tempérance, de galanterie. On pourrait toutefois souhaiter, dans certains mouvements particulièrement théâtraux, comme l’extravagante Fuga de la cinquième sonate, un peu plus de fantaisie. La même modération, en revanche, fait merveille dans la Fuga de la sixième sonate : combien de fois a-t-on entendu le genre de motif par lequel elle commence, en valeurs semi longues arpégeant un accord pour ensuite faire un saut mélodique, asséné de manière autoritaire et très attaquée ? Ici, les musiciens choisissent au contraire une vision plus mélancolique, sous-tendu par une énergie plus profonde, celle de « l’accompagnement » dudit motif.
En somme, l’ensemble Diderot livre une interprétation très proche de la partition, du texte, comme s’il voulait ne livrer que la musique notée par Mondonville et rien de plus, comme s’il voulait la laisser s’exprimer d’elle-même sans s’imposer. Le pari est audacieux, assez réussi, mais exigeant pour l’auditeur à qui il faudra sans doute plusieurs écoutes pour « rentrer » dans cette lecture. Le jeu en vaut la chandelle.
Sonate IV, I, Largo
Sonate VI, IV,
INFORMATIONS
Ensemble Diderot
Johannes Pramsohler, Roldán Bernabé, violons
Kristen Huebner, flûte
Gulrim Choi, violoncelle
Philippe Grisvard, clavecin
1 CD, 67’22, Audax Records, 2016.
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