Ambronay rêve d’ailleurs

par Loïc Chahine · publié lundi 15 octobre 2018

Pour cette dernière soirée (et avant-dernier jour) de son édition 2018, le festival d’Ambronay réunissait des artistes qui entretiennent un lien particulier avec lui : Sollazzo, déjà très remarqué, est un des ensembles associés du Centre culturel de rencontre , et on ne présente plus Mariana Flores aux festivaliers, tant ils ont eu d’occasions de l’entendre avec la Cappella Mediterranea, tout comme Quito Gato qui l’accompagnait. Et les deux programmes nous emmènent loin, que ce soit dans le temps ou dans l’espace…

Quittant les rivages du baroque, elle offrait un programme de chansons d’Argentine, évoquant non seulement Buenos Aires, mais aussi les autres provinces du pays, comme celle de Mendoza, dont la soprano est originaire. L’occasion était ainsi donnée d’entendre le cycle des mujeres argentinas d’Ariel Ramírez et Félix Luna, dont la célèbre Alfonsina y el mar a déjà obtenu un franc succès auprès de bien des amateurs de musique ancienne grâce à un bis à un concert de la Cappella Mediterranea. À ses côtés, deux autres histoires : celle de la fière Doroeta la Cautiva, et Juana Azurduy, figure majeure de la guerre de l’indépendance du pays.

Assurément, Mariana Flores est aussi à l’aise dans ce répertoire que chez Cavalli. Elle l’anime de la même familiarité et des mêmes affetti : à la douceur de Regreso a la tonada, en début de soirée, répond la violence de Chiquil’in de Bachin, où la douleur semble vouloir tout rompre. Le tout se conclut avec Yo soy María de Piazzolla sur un texte d’Horacio Ferrer, où l’abattage de la chanteuse fait mouche. Et quelle conteuse ! On regrette alors de ne pas avoir les textes dans le programme…

À ses côtés, Quito Gato déploie lui aussi toute une palette de vertus de l’accompagnement, en particulier à la guitare où son jeu semble toujours vouloir enrober la soprano. Quand il se mettait au piano, toutefois, la sonorisation avait tendance à déséquilibrer le duo. Avec une générosité certaine et un sens du partage, les deux artistes ont su séduire une bonne partie du public d’Ambronay et dévoiler une autre facette de leur culture musicale.

En deuxième partie de soirée — on se croirait presque à la télévision, la qualité des programmes en plus —, il fallait quitter le chapiteau et retrouver l’abbatiale pour écouter Sollazzo. Il le fallait, oui, tant cet ensemble s’impose comme une référence dans le domaine de la musique médiévale aujourd’hui. Le programme regroupait des pièces de la fin du xiiie siècle et du début du xive dans les textes desquelles il était question des étoiles, en lien avec le thème du festival.

En quelques notes, Sollazzo sait poser son ambiance et faire accepter ses codes : ceux d’une musique de prime apparence austère, mais d’un ardent foisonnement intérieur. Les voix fusent, se répondent, jouent entre elles. Il y a chez les chanteurs une qualité d’intonation tout à fait délectable. Loin de donner à entendre une musique purement spéculative, Sollazzo excelle à insuffler toujours le je-ne-sais-quoi qui pique l’attention — et l’on voudrait pouvoir réécouter, réapprécier, mieux goûter, mieux comprendre, mieux sentir. Tel est le problème des concerts de fin de soirée : l’esprit se laisse aisément prendre, mais aussi n’est-il plus bien clair… Pour un ensemble qui signait, il y a quelques mois pour Ambronay Éditions, un disque intitulé En seumeillant, et qui ce 6 octobre au soir chantait un programme qui parlait des étoiles, n’est-ce pas une réussite que de susciter les rêves ?

INFORMATIONS

Festival d’Ambronay, soirée du 6 octobre 2018.

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