Telemann et Olga Pashchenko, l’art et la manière

par Loïc Chahine · publié vendredi 1 septembre 2017

Après trois disques fort réussis, il était temps que nous puissions entendre Olga Pashchenko en concert. Le festival de Sablé nous en fournit l’occasion, en l’invitant dans le cadre de son cycle consacré à Telemann pour le 250e anniversaire de sa mort.

Les fantaisies pour flûte seule son couramment fréquentées des flûtistes, et celles pour violon ne sont pas moins connues ; récemment, on a redécouvert aussi celles pour viole qui jouissent déjà de plusieurs enregistrement, dont tout récemment ceux de Robert Smith et de Paolo Pandolfo ; mais celles pour clavecin, quoiqu’elles n’aient jamais été perdues, ne jouissent pas de la même faveur auprès des instrumentistes. Si, pour pour chacun des autres instruments, il y en a une douzaine, Telemann en consacra « Trois Douzaines » au clavecin, publiées en 1732 ou 1733. Olga Pashchenko en a retenu dix-sept, piochant majoritairement dans la première douzaine, très italianisante, et plus modérément dans la deuxième, « à la française » et la troisième, « à l’italienne » comme la première.

Nous la connaissions, par le disque, au pianoforte ; elle était ici au clavecin. Son jeu a été vif, souvent très expressif. Certains se distinguent par l’articulation. Ici, ce qui frappait surtout, c’était la fluidité, les phrases, l’agogique, l’absence de toute raideur. Dès l’Adagio de la Fantaisie no 1, les lignes s’étirent, se tendent ; le Largo de la Fantaisie no 3 sera encore plus tendu.

Les mouvements rapides réussissent particulièrement bien à Olga Pashchenko, qui en exalte tantôt la virtuosité, mais toujours tout en souplesse, tantôt le caractère chantant, optimiste et charmant. Dans la Fantaisie no 7, en sol majeur, elle met bien en valeur le caractère enlevé, riant du Presto. Il y a, partout une compréhension assez évidente des buts de cette musique, et ne fait, au fond, « que » mettre en valeur ce qu’il y a dans l’écriture, l’accentuer, y trouver le juste effet. Elle fait juste « ce qu’il faut » — et au demeurant, avec moins, cette musique pourrait paraître fade, car Telemann répète systématiquement, dans chaque fantaisie pour clavecin, un des mouvements (les italiennes sont toutes de forme « da capo », les françaises ajoutent un mouvement vif pour conclure). Mais pour autant elle ne sombre jamais dans les simagrées ou les pitreries. Tout au plus aurait-on pu souhaiter que les mouvements lents se permettent des respirations à peine plus longues.

Mais le « Modérément » de la Fantaisie no 22, dont le début rappellerait volontiers Couperin, par exemple, montre, s’il le fallait, qu’Olga Pashchenko sait jouer lentement, avec grace et tendresse. Plus surprenant, le « Tendrement » de la Fantaisie no 13 s’avère, plus que tendre, inquiet et tourmené.

Bref, Olga Pashchenko a manifestement su quoi faire de ces rares Fantaisies pour clavecin de Telemann, et les auditeurs, malgré une acoustique difficile, ont pu se régaler de son jeu aussi propre que lisible, aussi riche (elle exploite toutes les ressources de l’instrument) qu’expressif. Olga Pashchenko a fait plus que ses preuves ici : elle a montré qu’elle savait aussi trouver le sel dans les partitions de moindre envergure que les chefs-d’œuvres de Beethoven et Mendelssohn qu’elle a enregistrés, et elle a su redonner toute leur saveur à ces rares Fantaisies pour le clavessin de Telemann. Vite, encore !

INFORMATIONS

Telemann : Fantaisies pour le clavecin (extraits)

Olga Pashchenko, clavecin

Concert donné dans le cadre du Festival de Sablé le 25 août 2017.

Photo © Yat Ho Tsang

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