Bouquet vénitien pour les anches

par Loïc Chahine · publié mercredi 13 septembre 2017

Chaque année, le Festival de Sablé s’achève par une « grande veillée », un concert un peu plus long que les autres ou cours duquel plusieurs ensembles se succèdent et se rencontrent pour des concertos, simples, doubles et parfois plus ; il y a eu des concertos pour flûtes (traversières et à bec) de Telemann, des concertos pour violon(s) de Vivaldi, des concertos pour clavecin de Bach… Cette année, c’était au tour des anches de prendre d’assaut la scène de L’Entracte de Sablé pour des concertos vénitiens. Mais les ensembles qui pratiquent ce répertoire sont peu nombreux, de sorte que toute la scène revenait à un seul, et non des moindres : Zefiro. Il faut dire que l’ensemble Zefiro compte déjà deux hautboïstes (Alfredo Bernardini et Paolo Grazzi) et un bassoniste (Alfredo Grazzi), et qu’il s’était adjoint une jeune bassoniste, Amélie Boulas.

Autre spécificité de cette soirée, par rapport à ses antécédentes : plusieurs compositeurs ont été mis à l’honneur, occasion de découvrir des figures moins connues que celle de Vivaldi, comme Antonio Lotti (1667–1740), Diogenio Bigaglia (1676–1745) ou Giovanni Benedetto Platti (1697–1763) — dont au demeurant le concerto est un « classique » du répertoire du hautbois baroque —, occasion aussi d’entendre « en vrai » le concerto en mineur d’Alessandro Marcello, rendu célèbre par la transcription que Bach en fit, ou encore un double concerto de Tomaso Albinoni.

Si la soirée est centrée sur Venise, plusieurs de ces compositeurs ont été amenés à voyager, comme ce fut le cas de Lotti, qui passa quelques années à Dresde, se mit alors à imiter le « style français », et qui fut le professeur de Benedetto Marcello, de Galuppi et même de Zelenka ; il termina toutefois sa carrière à Venise. Platti, lui, quoique sont style soit aussi parfaitement italianisant que possible, fit l’essentiel de sa carrière en Allemagne, et mourut à Würzburg. Quant à Vivaldi, on connaît ses voyages et sa fin, relativement misérable, à Vienne. Bref, ce programme est aussi une occasion de rappeler que la musique italienne est fort prisée dans les états germaniques et que les musiciens voyageaient déjà à l’époque.

On pourrait d’ailleurs rapprocher cette situation de celle d’Alfredo Bernardini, Italien qui enseigne à Amsterdam… Au demeurant, l’ensemble Zefiro, bien connu des amateurs de disques qui ne peuvent ignorer, par exemple, sa version des six sonates de Zelenka, n’a que trop rarement l’occasion de se produire en France.

Mais on retrouve en live ce que l’on entend au disque, et Zefiro séduit d’abord par son sens profond, viscéral, de la dynamique. Point n’est besoin chez ces musiciens d’exagérer les accents, les grondements, et de jouer en force comme tant d’ensembles ont accoutumé de le faire chez Vivaldi : l’énergie et l’enthousiasme s’imposent d’eux-mêmes, sans jamais, d’ailleurs, sombrer dans l’histrionisme. La basse, marquée entre autre par la sonorité bien présente du théorbe de Danielle Caminiti, est l’une des marques de fabrique de la sonorité de Zefiro : solide, vivante, mais jamais ostentatoire.

Les violons sont fins et jouent avec un engagement indéniable, ne servant pas qu’à faire tapisserie pour accompagner les solistes. Quant aux anches, si chacune garde un peu de sa personnalité (Alfredo Bernardini a davantage d’éloquence et d’expressivité, Paolo Grazzi plus de rondeur et de noblesse ; Alfredo Grazzi, au basson, joue avec vivacité et une maîtrise technique aussi impressionnante que son abattage, quand Amélie Boulas a peut-être plus de délicatesse et une sonorité plus douce), toutes partagent certaines qualités, en particulier de souplesse et de clarté.

Tout l’ensemble s’ébat dans cette musique comme un poisson dans l’eau — mais a-t-on jamais entendu Zefiro sembler en difficulté ? Il semble que cet ensemble ait toujours l’air, dans les partitions qu’il choisit, chez lui, et l’on souhaiterait qu’il soit plus souvent invité en France — rendons grâce au Festival de Sablé et à sa directrice artistique d’avoir eu l’heureuse idée de les inviter. Une manière de terminer avec un éclat tout particulier cette trente-neuvième édition du festival.

INFORMATIONS

Concert donné le samedi 26 août 2017 dans le cadre du Festival de Sablé.

Photo © Vito Magnanini.

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