¿Violoncelo español?

par Wissâm Feuillet · publié samedi 28 mai 2016 · ¶¶¶

Il en est du violoncelle comme des châteaux en Espagne : c’est presque une chimère. Il n’existe pas vraiment d’école espagnole de violoncelle comme il existe une école italienne et une école française pour le même instrument. S’il y eut du violoncelle de haut niveau en Espagne, c’est grâce au hasard des voyages, et ce disque l’illustre : l’essentiel du programme de Josetxu Obregón est consacré à des compositeurs italiens ou français ayant résidé en Espagne. D’où le titre Cello in Spain, et non pas « Spanish Cello ».

Mais peu importe l’origine géographique des pièces de ce programme et le prétexte qui les réunit ici : ce n’est pas tant la cohérence du disque que la qualité de l’exécution qui est louable. Josetxu Obregón est un violoncelliste admirable qui a su s’entourer avec goût : son continuo fastueux — peut-être un peu trop parfois, au détriment de la clarté de la ligne mélodique — sert avec bonheur ces sonates virtuoses qui ont contribué à donner au violoncelle ses lettres de noblesse en terre espagnole. Citons, parmi ses accompagnateurs, le talentueux Enrike Solinis, à la guitare baroque, qu’on n’ose plus présenter : son battuto ne passe pas inaperçu, d’autant plus que sa guitare endiablée donne à ces pièces une coloration « espagnole » appréciable.

Dès les premières notes de la sonate de Boccherini, qui ouvre le bal, on est littéralement embarqué par l’incroyable force de l’archet : on est mis face à une belle présence, révélée par une remarquable énergie qui, même en écoute à l’aveugle, donne presque à voir les mouvements incisifs de Josetxu Obregón. Il suffit de le voir jouer ensuite pour s’en convaincre : quelle précision, quelle belle et généreuse accroche de la corde ! Voilà justement ce qu’il fallait pour faire parler ce répertoire où les accords arpégés ou bariolés abondent, où les accents comptent autant que les notes elles-mêmes. On a plaisir à retrouver Boccherini en guise de clôture de ce programme : le beau Fandango du quintette avec guitare en ré majeur est donné dans une version magistrale qui nous fait regretter que le chemin des quintettes avec guitare n’ait pas été davantage exploré (encore ?) par La Ritirata.

Une charmante sonate de Duport, où la synthèse de la galanterie française et de la vivacité italienne est frappante, tient la dragée haute à celle de Boccherini. Le reste du programme, en revanche, nous semble, d’un point de vue purement musical, nettement en retrait : Paganelli et Porretti ne nous ont pas franchement convaincus, bien que l’énergie et la qualité de jeu des musiciens demeurent intactes d’un bout à l’autre, pas plus que les rares compositeurs espagnols du programme (Vidal et Zayas), qui n’y figurent, semble-t-il, qu’à titre pédagogique, leurs qualités musicales étant moins manifestes.

L’impression générale est donc celle d’un soufflé, joliment gonflé au départ, et qui, par la suite, a tendance, par moment, à s’aplatir. Nous eussions aimé, à vrai dire, que d’autres choix musicaux fussent faits : donner davantage la parole à Boccherini aurait pu être, à notre humble avis, un judicieux parti. Il n’en demeure pas moins que la nouvelle génération de violoncellistes baroques sera, à coup sûr, marquée par Josetxu Obregón.

Extraits

Boccherini : Sonate en ut majeur, I, Allegro

Duport : Sonate en majeur, II, Adagio

INFORMATIONS

The Cello in Spain

Œuvres de Boccherini, Jean-Pierre Duport, Giuseppe Antonio Paganelli, Domingo Porretti, Francesco Paolo Supriano, Pablo Vidal et José Zayas.

La Ritirata
Josetxu Obregón, violoncelle et dir.

1 CD, 57’14, Glossa, 2015.

Ce disque peu être acheté en suivant ce lien.

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