Chant de chambre

par Loïc Chahine · publié mercredi 24 octobre 2018 · ¶¶¶¶

Peu à peu supplantée en France par la flûte traversière baroque au début du xviiie siècle, la flûte à bec est restée particulièrement vivace en Angleterre. Händel lui a consacré plusieurs sonates avec basse continue, mais pas de sonate en trio — du moins pas explicitement, ce qui ne veut pas dire que les flûtistes ne s’emparaient pas de certaines parties de violon, comme le fait Héloïse Gaillard dans cet enregistrement de l’ensemble Amarillis, où deux sonates de l’opus 2 sont complétées par deux suites « imaginaires » dont les mouvements sont puisées dans divers recueils, en particulier dans les pièces de clavecin et dans les sonates pour un instrument et basse continue.

Le disque rend aussi hommage aux instruments du Musée de la Musique à Paris : un facsimilé de la flûte alto de Thomas Stanesby Junior réalisé par Bruno Reinhard, qu’Héloïse Gaillard sonne avec autant de précision que de chaleur — quel phrasé ! — et un clavecin anglais Longman & Broderip, mis en valeur par quelques très belles pièces solistes jouées par Violaine Cochard, dont le touchant Menuet hwv 434.

S’il suffit de quelques mesures pour reconnaître Händel et ses mélodies caractéristiques, qu’on retrouve aussi bien dans la musique de chambre ici explorée que dans les opéras ou les oratorios, il faut être guidé par un goût sûr pour en faire un disque réussi. C’est par un mélange d’engagement et de classe qu’Amarillis y parvient. Tout, ici, sonne juste — non pas évidemment de la justesse technique des hauteurs, mais de celle des expressions et des intentions qui se tiennent à bonne distance de toute outrance sans pour autant tomber dans la froideur objective. Malgré une prise de son qui met très en avant la flûte au détriment du violon, l’idéal équilibre entre les sonorités et les parties — le violon d’Alice Piérot ne tarit pas d’élégance, et la basse ne se contente jamais d’accompagner — permet à l’ensemble de déployer une sûreté du trait qui parvient à éviter, par son absence de pose, le galvaudé, le superflu, et dès lors la lassitude. Tout cela chante sans dégouliner, danse sans s’exciter, et restitue le charme irrésistible de la musique de Händel avec une finesse qui semble se dérober quand on veut en saisir l’essence.

Händel, écrit Héloïse Gaillard dans le livret, est un compositeur qui accompagne l’ensemble depuis longtemps ; avec ce troisième enregistrement consacré au Caro Sassone, Amarillis signe un disque grand cru.

INFORMATIONS

Händel, Melodies in mind. Suites et sonates en trio

Ensemble Amarillis

1 CD, 63’18, Aparté, 2017.

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